Si la tendance se maintient, 2011 sera une année de vaches maigres pour les firmes privées mandatées par la Ville de Montréal pour enquêter en secret sur ses fonctionnaires et ses élus, indiquent des documents obtenus par La Presse.

En tout, le total des sommes versées depuis 2008 à la suite de contrats accordés sans appel d'offres public est de 450 000$. Mais l'on remarque que, depuis le début de 2011, les sommes versées par le service du contrôleur de la Ville de Montréal à deux firmes (Sercopro et Groupe Cantin Geoffrion) ne dépassent pas 4500$. Une misère en regard des 200 000$ payés en 2009 et en 2010 à cinq firmes (Baron Lupien Rouleau cabinet-conseil, Baron Ricard cabinet-conseil, Groupe Cantin et Geoffrion, Les Consultants Lupien Rouleau et Sercopro).

Fait à signaler, la Ville avait dépensé quatre fois moins en 2008 pour le même type de contrat.

Collusion, fraude et corruption

Cette inflation de dépenses en 2009-2010 a coïncidé avec la multiplication des scandales de collusion, de fraude et de corruption à la Ville et, par effet d'entraînement, des enquêtes internes ouvertes par le service du capital humain, puis par le bureau du contrôleur général, deux entités dirigées successivement par Pierre Reid et son adjoint Yves Grimard.

Pierre Reid, l'homme qui avait été chargé par Gérald Tremblay de faire le ménage dans son administration, a été forcé de quitter son poste le 11 avril. Un départ dans la controverse après une série d'articles de La Presse sur les affaires d'espionnage à l'hôtel de ville, et dont ont été les cibles le vérificateur général Jacques Bergeron, le maire de Lachine et ex-président du conseil municipal Claude Dauphin et aussi l'ex-chef de police Yvan Delorme.

La Presse avait aussi exposé le rôle joué dans l'ombre par quelques firmes dirigées pour la plupart par d'ex- policiers. Le président de la Fraternité des policiers, Yves Francoeur, avait quant à lui dénoncé leurs méthodes d'enquête, qu'il jugeait éloignées des standards imposés aux policiers et agents du contre-espionnage, en particulier en ce qui a trait aux interceptions de communications et de courriels.

Y a-t-il une relation de cause à effet entre ces révélations et la baisse radicale de la valeur des contrats? La Ville explique cette baisse par des embauches de personnel au service du contrôleur, par le fait que des contrats ont pu être donnés à des firmes non visées par la demande d'accès de La Presse et qu'un «nouvel encadrement administratif» retarderait la création de bons de commande.

C'est la firme Cantin et Geoffrion qui semble écoper le plus de cette réduction du nombre de contrats. Elle avait obtenu à elle seule 60% des sommes versées par la Ville depuis 2008, soit 260 000$.

Mais ces données seraient en deçà de la réalité. Certaines factures seraient en effet payées par d'autres services et ne figureraient pas sur les tableaux fournis à La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Par exemple, celles de moins de 1000$ ne sont pas incluses dans les sommes citées plus haut, indique Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville. La Ville refuse aussi de dévoiler la nature des mandats confiés par ces contrats.

L'Unité permanente anticorruption (UPAC) a débarqué à la mi-mai dans les bureaux de la Ville de Montréal à la demande du ministre de la Sécurité publique, qui a pris de court le maire Gérald Tremblay, pour enquêter sur les allégations d'espionnage interne et les contrats accordés aux firmes de sécurité privées.

De leur côté, Jacques Bergeron et Claude Dauphin ont intenté des recours judiciaires contre la Ville, son ex-contrôleur et certains de ses employés pour espionnage illégal et atteinte à leur vie privée.

2008: 48 252$

2009: 200 727$

2010: 197 049$

2011: 4594$

Source: Ville de Montréal