Le gouvernement Charest ne voit pas de problème dans le fait de donner des contrats à une entreprise de l'homme d'affaires Tony Accurso, même si deux autres de ses firmes ont fraudé le fisc.

La Presse a révélé hier que l'Agence métropolitaine de transport (AMT) a confié un contrat de 14,5 millions à la société en commandite Louisbourg SBC pour construire une portion du train de l'Est, entre Mascouche et Montréal. Le dossier a rebondi à l'Assemblée nationale.

«En décembre dernier, je rappelle que deux entreprises appartenant à Tony Accurso ont plaidé coupable à des accusations de fraude fiscale de plus de 4 millions de dollars auprès de Revenu Canada», a dit le député péquiste Nicolas Girard.

«La ministre du Travail nous avait indiqué que c'était une question de semaines avant que la Régie du bâtiment décide des sanctions à appliquer. On se rend compte aujourd'hui que, malgré ces belles paroles, les compagnies de Tony Accurso continuent d'accumuler les contrats comme si de rien n'était. Comment le ministre des Transports peut-il cautionner la décision de l'AMT?»

«Il a été demandé un avis juridique sur la conformité d'octroyer un contrat à cette entreprise, a répondu le ministre Sam Hamad. L'AMT peut donner un contrat à cette entreprise parce qu'elle est conforme à tous les règlements et aux lois en vigueur. Nous avons respecté les procédures. Nous avons pris le plus bas soumissionnaire.»

Contrairement à ce que l'AMT a inscrit dans le Système électronique d'appel d'offres, Louisbourg SBC n'était pas le seul soumissionnaire. Trois autres entreprises ont fait des soumissions conformes, mais à des prix plus élevés: Construction Garnier, GTS (Grands Travaux Soter) et les Entreprises Pera.

En 2009, le gouvernement Charest a adopté la loi prévoyant certaines mesures afin de lutter contre la criminalité dans l'industrie de la construction (dite loi 73), pour donner plus de pouvoir à la Régie du bâtiment. Désormais, la Régie peut suspendre les licences des entreprises coupables de fraude fiscale.

Les deux entreprises de M. Accurso qui ont reconnu avoir fraudé Revenu Canada sont Constructions Louisbourg ltée et Simard-Beaudry Construction. La Régie a convoqué la première à une audience le 14 juin et poursuit son enquête sur la deuxième.

Malgré la nouvelle loi, elle n'a pas le pouvoir de suspendre les licences des sociétés soeurs, comme Louisbourg SBC. Conclusion: un entrepreneur fautif n'a qu'à créer une autre entreprise pour continuer à faire des affaires, a dit la députée adéquiste Sylvie Roy. «Ça coûte 3000$ pour constituer une compagnie et avoir une licence d'entreprise, a-t-elle dit. Est-ce qu'on s'entend qu'avec 14,5 millions, M. Accurso a les moyens? Est-ce que ce n'est pas la démonstration que la loi 73 ne fonctionne pas?»

«La loi adoptée par le gouvernement est pleine de trous, a renchéri le député péquiste Nicolas Girard. Elle permet aux entreprises de Tony Acurso de continuer à obtenir des contrats même s'il a fraudé le fisc. Ce qui règne au Québec, c'est l'impunité. Qu'attendez-vous pour faire le geste que les Québécois attendent et déclencher une commission d'enquête sur l'industrie de la construction?»

«La loi 73 que nous avons adoptée ici, à l'Assemblée nationale, à l'unanimité, donne des résultats, a répondu la ministre du Travail, Lise Thériault. Nous avons restreint et suspendu des licences. Nous avons refusé d'en émettre quand les gens ont enfreint les lois... À partir du moment où les gens sont en défaut et que c'est prouvé, ils vivent avec les conséquences.»