Claude Dauphin, maire de Lachine, a déposé une requête en injonction, mardi, demandant à la Cour supérieure de condamner la Ville de Montréal pour avoir ouvert ses courriels pendant de longs mois.

Le mois dernier, La Presse avait révélé que M. Dauphin, qui occupait les fonctions de président du conseil municipal, avait fait l'objet d'une enquête par l'administration du maire Gérald Tremblay et le contrôleur de la Ville, Pierre Reid.

Le maire avait confirmé les faits. Il ajoutait que la Sûreté du Québec avait ouvert sa propre enquête, mais il ne précisait pas sur quoi elle portait. Il demandait à M. Dauphin de quitter son poste de président du conseil le temps de l'enquête, ce que refusait le principal intéressé.

Le lendemain, M. Dauphin se ravisait et proposait aux trois formations politiques d'abandonner temporairement ses fonctions de président du conseil. La proposition fut adoptée à l'unanimité. De son côté, M. Reid perdait son poste de contrôleur général et de responsable des enquêtes internes.

Dans sa requête introductive d'instance en injonction permanente, M. Dauphin se dit «victime d'une violation grossière à son droit à la vie privée, ayant fait l'objet d'un espionnage et/ou d'une interception illégale de ses courriels et de son agenda électronique de la part des défendeurs».

Outre la Ville de Montréal, ces défendeurs sont M. Reid; Michel Nantel, informaticien qui s'est fait donner l'accès à tous les courriels échangés à la Ville, y compris ceux des élus; Yves Grimard, chef des enquêtes et analyses; John Broderick, enquêteur; et, enfin, Louis Roquet, directeur général de la Ville.

M. Dauphin demande à la Cour de:

>protéger son droit fondamental au respect de sa vie privée;

>déclarer que les agissements des défendeurs sont illégaux et qu'ils portent atteinte aux valeurs démocratiques de la société;

>ordonner aux défendeurs de lui remettre toutes les copies des documents et des renseignements «obtenus illégalement»;

>déclarer que l'ouverture des courriels «est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice»;

>accorder une réparation financière, d'un montant que la Cour «estimera juste et convenable».

La requête de 32 pages est signée par les procureurs de M. Dauphin, du cabinet McMillan. M. Dauphin rappelle que ses déboires ont suivi «le scandale de l'espionnage dont a fait l'objet le vérificateur général» de la Ville, Jacques Bergeron. Un scandale également révélé par La Presse l'hiver dernier.

«M. Bergeron... a non seulement fait l'objet d'un espionnage de ses courriels et de son agenda électronique durant une longue période, de façon répétitive et planifiée, mais les gestes posés pour camoufler les intrusions et toutes traces dans le réseau informatique de la Ville montrent que les auteurs de cet espionnage et de piratage informatique en connaissaient l'illégalité», indique la requête.

M. Bergeron a lui-même intenté une requête introductive d'instance en nullité et en injonction permanente contre la Ville et les mêmes défendeurs, soit MM. Reid, Nantel, Grimard, etc.

M. Dauphin rappelle que le maire Gérald Tremblay et le directeur général de la Ville, Louis Roquet, ont d'abord nié que des courriels d'élus avaient été ouverts. Ils reconnaissaient tous les deux que, selon un avis juridique, un tel espionnage était illégal.

Puis, quand il leur est devenu impossible de nier les faits, MM. Tremblay et Roquet ont dit une chose et son contraire, indique la requête. Le maire a admis que les courriels de M. Dauphin avaient été ouverts, mais il a déclaré dans un même souffle qu'aucun courriel d'élu n'avait été ouvert. Enfin, le maire a laissé entendre avoir agi avec l'assentiment de la SQ.

Or, un porte-parole de la SQ a assuré que «en aucun temps, la Sûreté du Québec n'a suggéré ou demandé aux représentants de la Ville de Montréal de procéder à l'interception ou à la récupération des courriels».

M. Dauphin cite les propos du ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, selon qui «l'ouverture des courriels des élus de Montréal à leur insu est carrément un acte illégal». Le ministre a demandé que cela ne se reproduise pas.

M. Dauphin demande à la cour d'accorder l'injonction d'ici 30 jours.