Les hommes d'affaires Tony Accurso et Bernard Poulin ont appuyé la nomination de Robert Abdallah au conseil d'administration du Port de Montréal, affirme Radio-Canada dans un reportage diffusé mardi soir.

M. Accurso est le propriétaire de Louisbourg SBC, une entreprise qui chapeaute aussi les firmes Simard-Beaudry et Marton. Louisbourg et Simard-Beaudry ont plaidé coupables à des accusations de fraude fiscale l'année dernière.

M. Poulin est le propriétaire du groupe d'ingénieurs SM. Il est une bonne connaissance de M. Accurso. M. Abdallah, lui, est l'ancien directeur général de la Ville de Montréal.

Selon Radio-Canada, MM. Accurso et Poulin souhaitaient que M. Abdallah soit nommé PDG du port de Montréal en remplacement de Dominic Taddeo, qui a pris sa retraite en 2007.

Ils estimaient qu'ils pouvaient faire passer leur message par Leo Housakos, collecteur de fonds pour le Parti conservateur. M. Housakos a ensuite présidé une filiale de la firme d'ingénieurs BPR, puis, en 2008, il est devenu sénateur conservateur.

Ils estimaient que, à son tour, M. Housakos pouvait passer leur message à Dimitri Soudas, l'homme de confiance du premier ministre Stephen Harper au Québec.

Le Port de Montréal est une agence fédérale autonome. Lorsque Dominic Taddeo a annoncé sa retraite, trois membres du conseil d'administration ont été nommés pour étudier les candidatures à sa succession: l'avocat Jeremy Bolger, le comptable Marc Bruneau et la notaire Diane Provost. La loi prévoit que ce comité de sélection peut faire son choix en toute liberté.

Au printemps 2007, ces trois membres du conseil d'administration ont été convoqués par Dimitri Soudas au restaurant Le Muscadin, à Montréal.

Selon Radio-Canada, M. Soudas leur a clairement dit que Robert Abdallah était le choix du gouvernement fédéral. «Il y a certainement eu de l'ingérence, parce qu'ils nous ont rencontrés spécifiquement sur la nomination du nouveau président», a déclaré le comptable Marc Bruneau.

Michael Fortier, alors ministre conservateur, a eu vent de cette rencontre. «On m'avait rapporté, à mon bureau, que des membres du conseil d'administration avaient été approchés par des personnes qui prétendaient parler au nom du premier ministre, et qui auraient suggéré à ces membres du conseil que M. Harper préférait M. Abdallah», a déclaré M. Fortier.

M. Fortier a rappelé aux membres du conseil d'administration du Port de Montréal qu'ils pouvaient voter en toute liberté.

Pourtant, en 2008, en comité parlementaire, Dimitri Soudas a nié avoir rencontré les membres du conseil d'administration au sujet de la candidature de Robert Abdallah.

«Je vous ai demandé si vous les aviez rencontrés à ce sujet?» lui avait demandé la députée libérale Raymonde Folco. «À ce sujet, non», avait répondu Dimitri Soudas.

Marc Bruneau ajoute qu'après la rencontre avec M. Soudas, une autre personne de l'appareil politique conservateur qu'il n'a pas voulu identifier l'a menacé, en lui disant qu'il ne serait pas renommé au conseil d'administration s'il ne votait pas pour Robert Abdallah.

M. Abdallah était aussi le candidat de la Ville de Montréal. Selon des documents judiciaires, la notaire Diane Provost, membre du conseil du Port, a été menacée de perdre son poste si elle ne votait pas pour lui. Selon Radio-Canada, ces menaces ont été faites par Claude Dauphin qui, la semaine dernière, était suspendu de son poste de président du conseil municipal.

«L'administration, M. (Gérald) Tremblay, M. (Frank) Zampino, m'avaient demandé: "Pensez-vous que Mme Provost pourrait nous appuyer pour supporter la candidature de M. Abdallah?" » a déclaré M. Dauphin à Radio-Canada. Ce dernier a ajouté qu'il ne faisait que passer les messages du maire.

L'administration Tremblay-Zampino a mis ses menaces à exécution: elle a fait renvoyer Diane Provost du conseil d'administration du Port. La Cour supérieure a ordonné sa réintégration.

En amont de toutes ces pressions se trouvaient Tony Accurso et Bernard Poulin, ajoute Radio-Canada. «Selon nos sources, ils avaient l'intention de faire passer leur message à Dimitri Soudas par Léo Housakos... Housakos, Accurso et Poulin ont nié avoir discuté de la candidature de Robert Abdallah avec quiconque.»

Dimitri Soudas a nié aussi avoir été influencé par des personnes extérieures. Il soutient qu'il a simplement exprimé une préférence pour Robert Abdallah et que cela n'était pas de l'ingérence politique.

Au bout du compte, le conseil d'administration du port a résisté à toutes ces pressions et n'a pas nommé Robert Abdallah. Ce dernier a par la suite été embauché par Gastier, une entreprise de Tony Accurso. M. Abdallah a quitté cette entreprise l'automne dernier. Il a affirmé que toute pression qui aurait pu être faite pour sa candidature l'aurait été à son insu.

Archives La Presse

Robert Abdallah en 2003.