C'est l'évidence: la plupart des fans de hockey montréalais appuient le CH. Mais de l'autre côté du pont Mercier, à Kahnawake, le coeur bat plutôt pour les Bruins. Sur la réserve, le logo jaune et noir est partout: sur des drapeaux, des portes de garage, des plaques de voiture et même des boîtes aux lettres...

«Je pense que nous avons le plus grand nombre de fans de Boston par personne, lance Barry Alfred, propriétaire du resto-bar Le Ranch, quartier général des Bruins à Kahnawake. Ici, je dirais qu'au moins 60% des gens sont derrière eux.»

Toute la famille de Barry était réunie hier au Ranch pour regarder le match. Les oncles, les tantes, les enfants. Et chacun avait son opinion sur les raisons qui font que la réserve mohawk est si férocement attachée aux Bruins.

Selon sa nièce Jamie Lee, tout remonte à Stan Jonathan, l'ancien dur à cuire de l'équipe (rappelez-vous, le combat contre Pierre Bouchard!) qui était d'origine mohawk ontarienne. «Quand il est venu sur la réserve, il m'a signé un billet de 100$», dit-elle en soupirant.

Mais pour Chris Montour, la réalité est plus polémique. Les gens de Kahnawake, explique-t-il, soutiennent les Bruins par simple esprit de contradiction: «On ne se sent pas partie du Québec, donc on préfère prendre pour une équipe qui vient d'ailleurs. C'est une façon de nous distancier.»

Sa femme Tammy nuance ses propos. Selon elle, il y a beaucoup plus que la longue inimitié entre les Mohawks et les Canadiens français. Il y a le fait que beaucoup d'hommes de la réserve sont allés travailler aux États-Unis pour construire des ponts et des gratte-ciel. Des liens forts se sont développés au fil des décennies avec des villes américaines de la côte Est, telles que Boston.

Une jeune vedette

La passion de Kahnawake n'a pas échappé aux Bruins. Depuis deux ans, des anciens joueurs de Boston comme Raymond Bourque, Bob Sweeney, Terry O'Reilly et Stan Jonathan lui-même viennent jouer des matches amicaux sur la réserve pour des collectes de fonds pour la communauté mohawk.

Ces rencontres ont permis à Kahnawake de révéler un de ses plus grands talents musicaux: impressionnés par les performances vocales de Kwaharani Devery Jacobs, l'organisation des Bruins a invité la jeune fille de 12 ans à chanter l'hymne américain deux fois au TD Garden. «Même à la télé, on avait des frissons», résume Kiersten Myiow, l'autre nièce de Barry.

Mais une voix dissonante s'élève au sein du consensus familial: Glenda, la femme de Barry, admet pour sa part avoir un petit faible pour les Glorieux. «Je suis une fan silencieuse, confie-t-elle, mi-amusée, mi-gênée. Sur la réserve, je préfère que les gens ne le sachent pas trop.»

L'aveu fait sourire son mari, qui la contemple d'un regard malicieux.

«Traître!» lui lance-t-il, avant de retourner à sa partie.