Il y a trop de chevreuils à Montréal. Plus précisément dans l'est de l'île, où les charmantes bêtes ravagent des espèces vulnérables de végétaux dans le parc-nature de la Pointe-aux-Prairies. La Ville de Montréal a décidé cette semaine de prendre la bête par les bois - au sens figuré, bien sûr - et érigera trois enclos de protection. On veut ainsi empêcher les cervidés trop gourmands de raser la flore.

«On pense qu'il y en a une trentaine, dit Alan DeSousa, responsable de l'environnement au comité exécutif de la Ville. Comment se sont-ils rendus là? Votre théorie vaut la mienne. Mais on constate qu'il y a un déséquilibre qui est en train de se créer, et on cherche un moyen de le circonscrire.»

Les zones boisées du parc-nature «sont en péril», estime la Ville de Montréal dans un document d'analyse rédigé par les fonctionnaires. «Les cervidés ont jusqu'à ce jour brouté une grande quantité d'arbustes matures. La régénération de la flore est inexistante.» Le temps presse, puisque, dès l'été, les cerfs de Virginie «seront encore plus nombreux et dévoreront totalement les essences menacées».

L'intervention la plus urgente consistera à dresser des clôtures de 2,4 mètres de hauteur composées de broches à mailles carrées. Les enclos comprendront une porte et des «renforts» à chaque coin. Des travaux de «renaturalisation» du terrain boisé seront également effectués dans une première phase. Aucun coût n'est précisé dans les documents fournis par la Ville. Le contrat sera accordé à la fin du mois de mai et les travaux commenceront à la mi-juillet pour se terminer 45 jours plus tard.

Par la suite, on tentera de mieux connaître la population des chevreuils montréalais. Un inventaire exhaustif sera effectué par hélicoptère et, selon les résultats, on décidera de mener les interventions nécessaires pour «maintenir un bon équilibre écologique et assurer la pérennité de la flore et de la faune» du parc. Par la chasse? Le déplacement de bêtes? «Il est trop tôt pour parler de mesures précises, répond M. DeSousa. Il se peut que la nature elle-même règle le problème.»

Un Québec accueillant

Même si les chevreuils grouillent dans ce secteur de l'est de l'île, les contacts avec les citadins sont relativement rares. Les médias n'ont qu'une ou deux occasions par année de rapporter de pittoresques chasses au chevreuil perdu dans les rues de la ville. On est loin, clairement, de la densité d'une région comme l'Estrie, où une collision sur trois est causée par les cervidés.

Très peu présent au Québec avant l'arrivée des premiers Européens, le cerf de Virginie a trouvé un habitat parfait dans les forêts en régénération, conséquences du déboisement intensif. On compterait aujourd'hui plus de 120 000 individus dans la seule île d'Anticosti et 267 000 dans le reste de la province, selon le ministère des Transports du Québec.

On profitera par ailleurs de l'intervention au parc-nature Pointe-aux-Prairies pour enlever une vieille éolienne «qui n'a jamais produit le rendement promis» et qui rouille, inutilisée, depuis 1996. «Elle est inesthétique, se détériore» et représente un danger, notamment pour les casse-cou qui se risquent à l'escalader. Une clôture d'une centaine de mètres, près des résidences de la 52e Avenue, permettra en outre de juguler un fléau causé par une tout autre sorte de faune: les citoyens peu scrupuleux qui déposent illégalement leurs déchets dans les limites du parc.

D'une superficie de 2,6 km2, le parc Pointe-aux-Prairies a été aménagé au nord de l'autoroute 40, à la pointe est de l'île de Montréal. Il est visité chaque année par quelque 100 000 personnes, notamment des cyclistes attirés par ses 12 km de pistes cyclables et des amoureux de la nature qui peuvent y observer, sur ses 15 km de sentiers, plus de 180 espèces d'oiseaux. Et quelques dizaines de chevreuils, bien entendu.