Après un silence de trois jours, Gérald Tremblay a réagi pour la première fois au scandale qui secoue l'Hôtel de Ville de Montréal. Lors d'une conférence de presse, le maire a admis que les méthodes qui ont été utilisées pour enquêter sur le vérificateur général sont «questionnables», mais il jure qu'elles ont été employées de bonne foi.

Gérald Tremblay n'a pas nié que les courriels du vérificateur général de la Ville, Jacques Bergeron, avaient été ouverts dans le cadre d'une enquête interne. Mais selon lui, les résultats de l'enquête sont plus importants que la manière dont elle a été menée.

«Le vérificateur a commis des irrégularités et personne ne peut être au-dessus des lois», a fait valoir M. Tremblay.

Devant l'ampleur qu'a prise la controverse, le maire a décidé de s'en remettre à Québec. Le conseil municipal, dont relève le vérificateur général, aurait normalement dû statuer sur les faits qui lui sont reprochés. Mais «les positions sont tellement campées qu'il serait difficile d'avoir une décision sereine au conseil», a fait valoir le maire.

Gérald Tremblay va donc proposer aux élus municipaux, qui se rassemblent lundi, «que le conseil de ville délègue au ministre des Affaires municipales le pouvoir de décider ce qu'il convient de faire». Déjà hier, les partis de l'opposition ont critiqué ce choix. Mais le maire ne devrait pas avoir de difficulté à prévaloir, puisque son parti, Union Montréal, est majoritaire à l'Hôtel de Ville.

À Québec, on a réagi avec circonspection à la sortie du maire de Montréal. Un attaché du ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, a précisé que le ministère attendrait la réunion du conseil municipal avant de se prononcer.

Le fond et la forme

La Presse a révélé lundi que le service des enquêtes de la Ville, piloté par Pierre Reid, a ouvert les courriels du vérificateur pendant plusieurs mois l'année dernière. Hier, le maire Tremblay a dit qu'il n'avait été mis au courant de l'enquête que tout récemment.

«Cette enquête a été initiée à la demande seule du président du comité de vérification (André Harel). Il ne m'a jamais demandé s'il pouvait le faire, a avancé Gérald Tremblay. Le comité de vérification relève du conseil municipal et il n'avait donc aucune permission à demander.»

M. Tremblay juge qu'on a assez parlé des méthodes utilisées dans le cadre de l'enquête. «C'est questionnable la façon qui a été utilisée. Mais (Pierre Reid) a agi de bonne foi dans les circonstances», a dit le maire. Rien d'illégal n'a été commis selon lui.

Tout le tollé soulevé par ce que l'opposition qualifie «d'espionnage du vérificateur» n'est qu'une question de forme, a dit le maire. Le fond de l'affaire, selon lui, consiste dans les «irrégularités» commises par Jacques Bergeron.

La Ville soupçonne son vérificateur d'avoir accordé deux contrats à un membre de sa famille puis d'en avoir scindé deux autres, de manière à éviter de devoir recourir à des appels d'offres. Jacques Bergeron «a posé des gestes qui entachent la fonction qu'il occupe», a dit le maire.

Le vérificateur devrait-il démissionner ou être mis à la porte? Gérald Tremblay n'a pas voulu répondre, répliquant que la décision reviendrait à Québec.

«Des méthodes d'inquisition»

Les deux partis de l'opposition à l'Hôtel de Ville ont critiqué l'idée de remettre le sort du vérificateur entre les mains de Québec. Gérald Tremblay est engagé dans une «guerre» avec Jacques Bergeron, clament-ils, et l'intrusion dans sa boîte de courriel en est le dernier épisode.

«Tout ce procédé a été odieux, a affirmé Louise Harel. Le maire Tremblay fait du damage control et essaie de se déresponsabiliser. Je ne peux pas comprendre qu'il banalise à ce point la situation.»

«Il y a eu des actes absolument inacceptables commis par M. Reid, un homme de confiance du maire, a lancé la chef de Vision Montréal. En écoutant Gérald Tremblay, on se dit que tout le monde apparaît de bonne foi autour de lui, sauf le vérificateur général.»

Le bras droit de Mme Harel, le conseiller Pierre Lampron, a quant à lui qualifié la manière utilisée par Pierre Reid pour épier le vérificateur général de «méthode d'inquisition».

M. Lampron est membre du comité de vérification de la Ville. C'est ce comité qui aurait reçu une plainte anonyme dénonçant le vérificateur. Le président du comité de vérification, André Harel, a ensuite demandé à M. Reid, qui est contrôleur général à la Ville, de mener une enquête.

Gérald Tremblay a fait valoir hier que le comité de vérification est un organisme qui est indépendant «face au pouvoir politique ou administratif».

Or, selon M. Lampron, les membres du comité n'ont jamais été mis au courant de l'enquête qui s'est échelonnée de mars à janvier dernier. «Tout ce processus a été enclenché par M. Harel lui-même, à titre de président du comité, sans informer le comité de cette démarche, a dit M. Lampron. Le comité a été mis au courant après les faits. Après que le vérificateur général eut dit au maire qu'il croyait que ses courriels et son ordinateur étaient piratés.»

Tout comme Louise Harel, le chef de Projet Montréal a demandé de nouveau hier la démission de Pierre Reid. «Le fait que M. Reid ait accepté ce mandat et l'ait assumé pendant 10 mois, ça fait foi de tout, a dit le chef de la deuxième opposition. Avant de me prononcer sur le cas du vérificateur général, j'attends de voir le rapport de la Ville. Mais dans le cas de M. Reid, l'espionnage, il est avéré.»

«Le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, l'a dit il y a quelques jours : c'est inadmissible, une administration ne peut pas espionner le vérificateur général.»

- Avec la collaboration de Denis Lessard à Québec.