À la demande du ministère des Affaires municipales, le directeur général de Montréal s'explique. Dans une lettre de deux pages, il raconte pourquoi et comment a été lancée l'enquête interne de la Ville sur son vérificateur général. Selon la chef de l'opposition à l'hôtel de ville, Louis Roquet «tente de justifier l'injustifiable».

Le gouvernement Charest va amender la Loi sur les cités et villes pour y ajouter des dispositions encadrant le travail des vérificateurs généraux des villes, a fait savoir le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard. Ces modifications devraient être incorporées dans le projet de loi omnibus qui, chaque session, émane de son ministère.

La loi actuelle «établit l'indépendance du vérificateur. Par ailleurs, on sait qu'il n'est pas au-dessus des lois, mais on ne précise pas comment son travail peut être vérifié», a résumé M. Lessard. Chaque ville de plus de 100 000 habitants doit avoir un vérificateur général. On en compte 10 au Québec.

Devant les révélations publiées mardi matin par La Presse, selon lesquelles le service des enquêtes de la Ville avait ouvert les courriels du vérificateur pendant plusieurs mois l'année dernière, le sous-ministre des Affaires municipales, Marc Lacroix, a téléphoné à Louis Roquet, directeur général de Montréal, pour lui demander des explications.

Il a reçu mardi soir une lettre de deux pages, rendue publique en matinée hier. Il doit en faire rapport au ministre Lessard.

Dans sa lettre, M. Roquet explique que, en mars 2010, le président du comité de vérification de la Ville, André Harel, a reçu une plainte de source anonyme concernant des irrégularités dans la gestion administrative du vérificateur, Jacques Bergeron.

«Dès la réception de cette plainte, M. Harel a contacté M. Pierre Reid, qui à l'époque était directeur principal du Capital humain et responsable des enquêtes internes de la Ville, pour qu'il enclenche une vérification préliminaire sur cette allégation», écrit le directeur général.

«À la suite de cette vérification préliminaire, M. Reid a constaté qu'il y avait un fondement aux allégations reçues. Le président du comité de vérification a donc autorisé ce dernier à poursuivre cette vérification...

«Je tiens cependant à vous rassurer que seuls les courriels résidant sur le serveur Lotus Notes de la Ville et qui sont relatifs à la gestion administrative du vérificateur de la Ville ont été consultés.»

M. Roquet ajoute qu'en aucun temps les enquêteurs de la Ville n'ont accédé à des données «qui soient du domaine privé».

«Sa lettre est remplie d'inexactitudes»

La chef de l'opposition à l'hôtel de ville, Louise Harel, a rétorqué hier matin que cette affirmation est inexacte: «Nous avons la preuve que les courriels qui ont été ouverts ne touchaient pas seulement les mandats de services professionnels. M. Roquet tente de justifier l'injustifiable. Sa lettre est remplie d'inexactitudes.»

Elle a d'ailleurs écrit au ministre Lessard, en après-midi, pour lui rappeler que, au moment où l'enquête a été ouverte, Pierre Reid était directeur du service du capital humain, et non contrôleur général de la Ville: «Dans sa lettre, M. Roquet écrit que le président du comité de vérification a autorisé M. Reid à faire cette enquête. Mais il n'avait aucune autorité sur lui. Le seul qui avait autorité sur M. Reid était M. Roquet lui-même. Il n'y avait aucun lien hiérarchique entre le président du comité de vérification et M. Reid.»

Le président du comité de vérification, André Harel, a par conséquent confié le mandat à un employé de l'administration municipale, et non à un mandataire du conseil, écrit-elle.

Elle ironise de plus sur la défense du directeur général, qui soutient que «l'espionnage n'a pas été continu», les courriels ayant été vérifiés à quatre occasions. «Une seule fois, M. le ministre, n'aurait-elle pas été une fois de trop?» écrit Mme Harel. La période des courriels analysés s'est étendue de mars 2010 à janvier 2011.

Par ailleurs, dans sa lettre, Louis Roquet indique que l'administration Tremblay «n'a pas été consultée au sujet du mandat» d'enquête sur le vérificateur: «Le maire a appris l'existence de l'enquête par un appel du vérificateur général, appel qui a été suivi d'une rencontre du vérificateur général et son avocat avec le maire et le président du comité de vérification, M. André Harel. Le maire n'est pas intervenu dans le dossier qu'il jugeait être du ressort du conseil municipal.»

Des sources proches de l'Administration insistent pour dire que ni le maire ni sa chef de cabinet à l'époque, Diane Lemieux, n'avaient été informés de cette démarche. On pense toutefois que l'ancien responsable du personnel devenu contrôleur, Pierre Reid, pourrait avoir eu recours à ces méthodes controversées: «Il est un peu cow-boy», résume-t-on.