Une note de breffage remise au ministre canadien des Transports, Chuck Strahl, évoque la possibilité de rétablir le péage sur les ponts Champlain et Jacques-Cartier.

La note, rédigée en anglais, s'intitule Long term funding strategy for the federally owned Montreal bridges (Stratégie à long terme du financement des ponts fédéraux à Montréal). La version officielle - il en existe sept autres - date du 23 novembre 2010. Elle a été remise au ministre en décembre.

La Presse a tenté de l'obtenir en invoquant la Loi sur l'accès à l'information, mais sans succès. Selon la responsable de l'accès au ministère des Transports, Pierrette Purdy, la note, appelée Memorandum en anglais, est confidentielle.

«Il faut consulter le bureau du Conseil privé (le ministère du premier ministre Stephen Harper) avant de la délivrer, a dit Mme Purdy. Je doute que vous ayez quelque chose.»

Mme Purdy a simplement confirmé que le document indique qu'une étude est en cours pour recourir au péage afin de financer les travaux de réfection des ponts et, éventuellement, le remplacement du pont Champlain.

Elle a conseillé à La Presse de s'adresser à la Société des ponts fédéraux (SPF) pour savoir quelle firme a obtenu le mandat d'étudier le recours au péage. Mais le porte-parole de la SPF, André Girard, a dit qu'il n'avait pas entendu parler d'un tel mandat.

«On n'est pas au courant qu'il y a une étude en cours, a-t-il dit. Nous avons discuté d'une éventuelle restauration du péage en 2007 ou 2008, mais pas depuis.»

Frédérik Boisvert, directeur des politiques et des communications au bureau du ministre Strahl, n'a pas nié l'existence de la note de breffage, mais il a dit que le rétablissement du péage est un scénario parmi d'autres: «Il y a régulièrement des discussions entre les fonctionnaires et le bureau du ministre, a-t-il dit. Des scénarios sont envisagés. Mais pour l'instant, il n'y a aucun plan pour réimplanter le péage.»

Pas pour les transports en commun

Le maire Gérald Tremblay a déjà évoqué la possibilité d'instaurer un système de péage routier à Montréal afin de financer les transports en commun. Selon son administration, cela pourrait générer des revenus de 450 millions de dollars par année.

Mais au gouvernement fédéral, une source a insisté sur le fait que, si l'on rétablit le péage sur le pont Champlain, les profits iront seulement au financement du pont. «Nous estimons aussi qu'il faudra alors s'arrimer avec le gouvernement provincial afin que le péage revienne aussi sur les autoroutes menant aux ponts», a dit notre source, qui a requis l'anonymat.

Trois ponts fédéraux relient Montréal à la Rive-Sud: Honoré-Mercier, Jacques-Cartier et Champlain. Les postes de péage sur le pont Champlain ont été fermés en mai 1990. Ils ont disparu depuis encore plus longtemps sur le pont Jacques-Cartier, et personne ne se souvient d'en avoir vu sur le pont Honoré-Mercier.

Tous les autres ponts fédéraux au Canada sont financés, en partie, par des péages. C'est le cas des ponts entre le Canada et les États-Unis, à Cornwall, aux Mille-Îles et à Sault-Sainte-Marie, tout comme du Peace Bridge, entre Fort Érié et Buffalo, et du pont Ambassador, entre Windsor et Detroit. C'est aussi le cas du pont de la Confédération, entre le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, qui a été construit en partenariat avec l'entreprise privée et qui est géré par une firme privée.

Le pont Jacques-Cartier est en bon état, mais pas le pont Champlain. Ouvert en 1962, il donne des signes d'usure inquiétants. Le béton précontraint des piliers et des poutres n'a pas résisté aux tonnes de sels de déglaçage épandus sur son tablier chaque hiver ni au passage de 60 millions de véhicules par année, dont 5 millions de camions.

Un nouveau pont

Les experts consultés par le ministre des Transports privilégient son remplacement par un nouveau pont. Un consortium formé de bureaux d'ingénieurs-conseils a terminé son rapport; ce dernier sera remis au ministre d'ici à la fin du mois.

Le pont Champlain exige de telles réparations que son remplacement apparaît comme la solution la plus intelligente, selon une version préliminaire révélée par La Presse, hier. Mais un nouveau pont coûtera très cher, soit 1,3 milliard pour un pont à haubans. Cela sans compter les approches routières, la construction d'un système léger sur rail, le remplacement du pont de L'Île-des-Soeurs, etc. En tout, cela pourrait atteindre les 6 milliards, selon des prévisions obtenues par Le Devoir.

Selon ce qu'a pu apprendre La Presse, le nouveau pont Champlain serait construit en partenariat avec l'entreprise privée, tout comme le pont de l'autoroute 25 entre, Montréal et Laval, et le pont de l'autoroute 30, entre Salaberry-de-Valleyfield et Vaudreuil. Ces nouveaux ponts seront munis de postes de péage.

En 2007, un sondage a montré que 67% des Québécois sont favorables à l'instauration de péages sur les autoroutes principales, et 64% sur les ponts et tunnels donnant accès à Montréal.