Ce n'est pas parce que les églises catholiques ferment que la vie religieuse prend moins de place à Montréal. Au contraire, elle s'intensifie! Mais il est fini le temps des cathédrales. Les fidèles se rassemblent un peu partout, dans des sous-sols, des arrière-boutiques et d'anciennes succursales bancaires. Des Québécois de souche se convertissent par milliers. Résultat: Montréal est la deuxième ville au Canada pour le nombre de lieux de culte.

Montréal se classe au deuxième rang des grandes villes les plus ferventes au Canada, selon une compilation inédite réalisée par La Presse grâce aux données de l'Agence du revenu du Canada (ARC).

Avec ses 1032 organismes religieux de bienfaisance, la métropole québécoise n'est dépassée que par Winnipeg parmi les grandes villes canadiennes. Comme le montrent nos tableaux, pour chaque tranche de 100 000 habitants, Montréal compte même 37 organismes religieux de plus que le très multiculturel Toronto.

Au Québec, on a carrément l'impression que l'île de Montréal se situe sur une autre planète, puisqu'elle compte presque deux fois plus d'organismes religieux par tranche de 100 000 habitants.

«Oui, la vie religieuse s'intensifie: il y a de plus en plus de pratiques sur notre territoire», estime Habib El-Hage, président du Conseil interculturel de Montréal, une instance consultative.

La «ville aux 100 clochers», est donc devenue la ville aux 1000 lieux de culte: c'est en gros le nombre de lieux de prière sur lesquels s'entendent la plupart des experts. L'ARC dénombre 1032 organismes religieux à Montréal, ce qui concorde avec le rôle d'évaluation 2010 de la Ville de Montréal. Selon nos calculs, la hausse a été constante depuis les années 90. D'un creux de 12 nouveaux organismes de bienfaisance religieux enregistrés en 1995, on est graduellement passé à une quarantaine de nouveaux organismes par an au milieu des années 2000. Le sommet a été atteint à Montréal en 2007 avec 49 nouvelles inscriptions.

Pourquoi ce foisonnement?

«Je crois que c'est la variété ethnique, religieuse et confessionnelle -différentes Églises et sous-groupes religieux- qui est d'abord en cause», avance le chercheur Frédéric Castel, de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS).

Selon une thèse déposée à l'INRS en 2005, les immigrés francophones, notamment d'Afrique et d'Haïti, adhèrent à une plus grande variété de cultes que les Asiatiques. Or, Montréal en compte une très forte proportion (24%, comparativement à 4,6% dans le reste du Canada), alors que les Asiatiques se retrouvent plus nombreux à l'ouest du Québec.

Frédéric Castel évoque également la «pulvérisation extrême», cette tendance qu'ont certains secteurs du monde évangélique à Montréal à se diviser sans cesse en nouveaux groupes. «Dans les églises haïtiennes, l'appartenance est très fluide, explique le religiologue. La communauté peut fondre de moitié à la suite d'une dispute. Il suffit de faire passer le mot pour ouvrir une autre église. Et comme les commerces, quand tout est improvisé, elles font parfois faillite. On appelle ça les églises champignons.»

Autre explication: quand les immigrés gravissent l'échelle sociale, ils déménagent et ouvrent de nouveaux lieux de culte, sans nécessairement fermer les anciens.

Fait important, la hausse n'est pas uniquement due aux immigrés ; elle tient aussi au fait que les Québécois de souche changent leurs manières de croire.

«Ironiquement, les Québécois qui se convertissent sont eux-mêmes à l'origine d'un grand nombre de lieux de culte. Ils sont plus instables que bien des immigrés, qui restent plus attachés à leur religion d'origine», précise Frédéric Castel.

Les Québécois convertis au bouddhisme, notamment, font face à une «explosion du marché», dit-il. «Il y a plein de missionnaires. Les gens magasinent et passent du courant zen au courant tibétain, etc.»

Chose certaine, ceux qui croient que la métropole est peuplée d'athées se trompent: à peine 10% des Montréalais -essentiellement regroupés dans les arrondissements du Plateau-Mont-Royal et de Ville-Marie- se sont déclarés sans religion lors du recensement de 2001, alors que 25% des Canadiens l'ont fait.