Dix ans après les fusions forcées de 2001, les Montréalais n'ont toujours pas apprivoisé leur nouvelle ville. Ils la jugent moins bien gérée qu'avant, dirigée par trop d'élus et ont un avis partagé sur Gérald Tremblay, qu'à peine 17% des répondants considèrent comme un bon maire.

En deux mots, les fusions ont été une mauvaise chose, révèle un sondage Angus Reid-La Presse. Seul réconfort, et il est de taille, les Montréalais se disent plutôt satisfaits des services qu'ils reçoivent.

«J'ai été surpris de voir à quel point les gens sont somme toute heureux de la ville dans laquelle ils vivent, même si les fusions continuent de générer une perception très négative», dit Jaideep Mukerji, vice-président affaires publiques d'Angus Reid.

Mené auprès de 803 personnes de la nouvelle ville de Montréal et 300 répondants des villes reconstituées, ce sondage dresse par contre un bilan plutôt morose de la fusion qui a regroupé les 28 municipalités de l'île en 2001 en une grande métropole de 1,8 million d'habitants. Une métropole qui a éclaté en 2005 quand 15 villes de banlieue l'ont quittée.

Villes «intégrées» et mécontentement

Quand on leur demande de but en blanc leur verdict sur la fusion de 2001, les Montréalais sont plutôt mécontents: pour 45% d'entre eux, il s'agit d'une mauvaise chose. Seuls 31% jugent l'opération positivement. Les répondants des 15 villes qui ont défusionné en 2006 sont encore plus cinglants, puisque 65% qualifient le coup de force du gouvernement Bouchard de 2001 de mauvaise chose.

Pour les résidants de ce que les sondeurs ont qualifié de «villes intégrées», comme Saint-Léonard, Lachine et Saint-Laurent, le verdict est également mauvais dans 55% des cas.

«Ce sont les gens qui ont été les plus affectés par les fusions, notamment ceux des villes reconstituées, qui font hausser la moyenne, estime M. Mukerji. À 45% de mécontents, ce n'est pas une catastrophe, mais on voit que la perception négative est bien là.»

Quand on leur demande d'évaluer le deuxième acte qui a créé le nouveau Montréal, les référendums et les défusions en 2006, les Montréalais sont cette fois beaucoup plus partagés. Ils se divisent en trois blocs relativement égaux: 37% considèrent cet épisode comme une mauvaise chose, 35% comme une bonne chose et 28% sont incertains.

Cette hésitation, on ne la retrouve évidemment pas du côté des villes défusionnées, où on considère à 66% qu'il s'agit d'une bonne chose.

Des aînés nostalgiques

De façon générale, les Montréalais estiment que les choses vont moins bien depuis 2001 dans leur arrondissement ou leur ville reconstituée. Pour 38% des répondants de la grande ville et 49% de ceux des villes reconstituées, la situation s'est dégradée. Seuls 15% du premier groupe et 20% du second pensent le contraire. Fait à noter, ce sont les personnes de 55 ans et plus qui sont les plus pessimistes, 52% jugeant que les choses vont plus mal. Près d'un tiers des répondants estiment cependant que leur sort est resté inchangé.

«On voit une bonne différence entre les générations, peut-être parce que les plus jeunes ne se rappellent tout simplement pas comment les choses étaient avant 2001», analyse M. Mukerji.

Même scénario quand il s'agit d'évaluer la gestion de la Ville. Pour 48% des Montréalais, leur métropole est moins bien gérée aujourd'hui qu'il y a 10 ans - à peine 9% pensent le contraire. Les répondants de plus de 55 ans, encore une fois, sonnent la charge avec 64% de perceptions négatives.

Peu affectés par les fusions

Avec un tel verdict, on pourrait s'attendre à un vote massivement négatif si un nouveau référendum sur la fusion de Montréal était tenu. Eh bien non. Quand on leur pose cette question, les Montréalais de la nouvelle ville sont partagés: 36% voteraient contre, 34% pour, et 24% se disent indécis. Le résultat est exactement le même dans les villes intégrées.

Sans surprise, les anti-fusions remporteraient facilement un référendum dans les villes défusionnées, où 66% se disent contre ce projet. Notons tout de même 32% de répondants favorables ou indécis dans cette catégorie.

Pourtant, les habitants de l'île de Montréal reconnaissent avoir été peu affectés par les fusions. Pour 56% des Montréalais, elles ont eu très peu ou pas du tout d'impact. Même constat pour 46% des résidants des villes intégrées - à égalité avec les 45% qui se disent beaucoup ou modérément affectés. Dans les villes défusionnées, la proportion de répondants affectés monte à 63%, mais le tiers se disent tout de même peu touchés.

Des services appréciés

L'humeur des insulaires de Montréal vire du tout au tout quand on leur demande leur appréciation de leur milieu de vie. Les deux premières questions portaient volontairement sur une évaluation générale de leur ville ou municipalité, avant d'aborder l'épineuse question des fusions, explique Jaideep Mukerji. «Si on commençait par la fusion, la reconstitution des villes, ça mettrait les gens dans une certaine pensée négative.»

À 61%, les Montréalais se disent très ou moyennement satisfaits de la façon dont les choses se passent dans leur ville. Cette satisfaction atteint un sommet de 87% dans les villes défusionnées et elle est également ressentie par les personnes interrogées quels que soient leur âge, leur langue ou leur sexe.

«C'est très intéressant et étonnant, estime M. Mukerji. Quand on pose la question au niveau provincial ou à l'échelle du pays, on n'obtient jamais des taux aussi forts. Pour l'ensemble du Québec, on parle d'une satisfaction autour de 45%.»

C'est surtout du côté des villes défusionnées qu'on jubile, avec 87% de satisfaction.

La plupart des services municipaux sont appréciés. L'enlèvement des ordures? Les Montréalais en sont satisfaits à 83%. Les parcs? À 81%. Le déneigement est bien noté par 57% des répondants, tandis que la propreté en satisfait 59%. Peu étonnant, l'impôt foncier et le tarif des stationnements suscitent moins d'approbation, avec des taux de 22% et 31%.

«Les gens sont satisfaits, ils sont heureux de la ville dans laquelle ils vivent, mais c'est dès qu'on mentionne les fusions que ça se gâte», résume M. Mukerji.

Les 1103 répondants du sondage ont été joints en ligne entre le 13 et le 16 décembre derniers. La marge d'erreur est de 3 points de pourcentage pour la ville de Montréal. En raison d'un échantillon plus faible, la marge est de 5,6 points pour les villes défusionnées et de 5,4 points pour les villes intégrées.