Contractuel auprès de la STM alors que la société discutait du contrat qu'elle allait signer avec Bombardier-Alstom pour le renouvellement des voitures du métro de Montréal, un vétéran de Bombardier est entré au service de l'espagnole CAF dès qu'elle a voulu se qualifier pour ce contrat.

Selon ce qu'a appris La Presse, l'arrivée d'Adamo D'Ambrosio dans le camp de CAF a puissamment incité le gouvernement Charest à exiger de la STM qu'elle mette de côté son appel d'offres international pour tenter d'arriver à une entente de gré à gré avec le consortium Bombardier-Alstom.

La STM et le ministre québécois des Transports, Sam Hamad, ont confirmé hier la nouvelle publiée la veille par La Presse: l'appel d'offres que devait lancer la STM hier est reporté d'une semaine pour permettre une entente de gré à gré entre la STM et Bombardier-Alstom. Un projet de loi d'exception sera présenté la semaine prochaine pour donner des assises juridiques à cette décision inusitée.

«Ces wagons datent de 37 ans, il y a urgence d'agir», a plaidé le ministre Hamad.

Au début du mois de septembre, ruefrontenac.com avait indiqué que Pierre Lortie et Yves Pleau, deux anciens vice-présidents de Bombardier, avaient, avec M. D'Ambrosio, activement travaillé pour que la firme Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF) puisse soumissionner à l'appel d'offres du métro de Montréal.

La Presse a appris que ces révélations ont eu une tout autre résonance à la Société de transport de Montréal, pour le compte de laquelle M. D'Ambrosio, spécialiste de ces questions très techniques, agissait à titre de conseiller dans les négociations avec Bombardier-Alstom. Il était notamment au dossier lorsque la STM discutait des prix et des garanties avec le consortium, indique-t-on.

Sa présence à la STM avait d'ailleurs causé un froid chez Bombardier, où il avait travaillé pendant 27 ans.

«Ce gars-là connaît tout du dossier, il était consultant durant les discussions, Bombardier avait abattu ses cartes devant lui...» résume une source gouvernementale.

Plus près d'Amtrak

Joint hier, M. D'Ambrosio a souligné qu'il n'a travaillé que quelques mois pour la STM. À la CAF, il travaille «surtout» à trouver des fournisseurs pour le contrat que la firme espagnole a obtenu d'Amtrak, le transporteur ferroviaire américain. Il reconnaît toutefois qu'il a touché au contrat du métro de Montréal en établissant une liste de fournisseurs. «Les éléments stratégiques que je pouvais amener, il n'y en a vraiment pas beaucoup...» résume-t-il.

«J'ai été consultant pour la STM de mai à septembre 2009. À l'époque, la STM voulait avoir un expert-conseil.» En septembre, les discussions entre la STM et Bombardier-Alstom étaient encore bien préliminaires. «Je suis parti en septembre et l'entente a été conclue en décembre. Entre les deux, je ne sais rien de ce qui s'est passé», soutient-il.

M. D'Ambrosio est passé à la CAF au mois de février, juste après que le gouvernement québécois eut décidé de forcer la STM à lancer un nouvel appel d'offres international à la suite des pressions d'un transporteur chinois.

Il estime que sa position n'est absolument pas délicate: «Je ne peux pas effacer 27 ans d'expérience chez Bombardier. Je sais ce que je sais et je le garde pour moi...»

Yves Pleau, ancien vice-président de Bombardier, est lui aussi passé à la CAF. Comme M. D'Ambrosio, il a été congédié par la firme québécoise. «Bombardier essaie de le discréditer. Il y a 25 ans, Bombardier Transports, c'était une shop de 12 personnes où se trouvait Adamo. Aujourd'hui, Bombardier Transports a son siège social à Berlin et est dirigée par des Français, d'anciens patrons d'Alstom», lance M. Pleau.

Dans une lettre rendue publique hier, la firme espagnole se dit «étonnée de la décision du gouvernement» et réclame une rencontre avec le premier ministre ou le ministre des Transports. Elle estime que la décision de suspendre l'appel d'offres et de recourir à une loi d'exception «ira complètement à l'encontre des ententes et pratiques qui régissent le commerce international». La situation, dit-elle, est délicate pour le Québec, «principal promoteur du libre-échange avec l'Union européenne», actuellement en dernière phase de négociation, souligne Jesus Esnaola, directeur des affaires internationales de la firme.

À Montréal, en point de presse, le président de la STM, Michel Labrecque, est resté prudent et s'est fait rassurant avant tout. Les voitures du métro arrivent bel et bien à la fin de leur vie utile et doivent être remplacées, mais il insiste: la qualité de leur construction et de leur entretien permet d'assurer la sécurité des usagers: «Il faut renouveler nos voitures, mais arrêtons de jouer au bonhomme Sept-Heures, a-t-il affirmé. Elles roulent, elles sont bien entretenues et la sécurité n'est jamais remise en question.»