Louise Harel tient un double discours en acquérant un appartement dans un projet immobilier qu'elle a critiqué en campagne électorale, a dénoncé l'administration Tremblay, hier. Les adversaires de Cité Nature, eux, sont déçus de sa décision.

«Mme Harel pense que c'est un projet assez beau et intéressant pour y habiter, a raillé le responsable de l'habitation au comité exécutif, Michael Applebaum. Il sera intéressant de la voir sortir de son unité et aller rejoindre les adversaires du projet.»

La Presse a révélé hier que la chef de l'opposition avait versé avec son conjoint un dépôt en vue d'acquérir un appartement dans la deuxième phase de Cité Nature, qui doit être prête en 2012. Or, son parti a critiqué plusieurs aspects de ce vaste complexe érigé près du Village olympique.

Vision Montréal ne s'est pas engagé à faire annuler le projet lors de la dernière campagne électorale, car le promoteur El-Ad avait déjà obtenu le feu vert des autorités municipales. Le parti a toutefois critiqué l'administration Tremblay pour avoir refusé d'organiser une consultation publique. Il a aussi dénoncé le fait que le projet ne prévoit pas de logements abordables pour les familles.

L'un des critiques les plus féroces de Cité Nature est Jacques Dagenais, vice-président du Collectif pour la préservation du patrimoine olympique. Joint hier, il n'a pas caché sa colère face à la décision de Mme Harel.

M. Dagenais affirme que la chef de Vision Montréal l'a invité à porter les couleurs de son parti aux dernières élections, ce qu'il a finalement décliné. «J'ai beaucoup discuté de ce dossier avec Mme Harel. S'il y a quelqu'un qui est déçu, c'est moi.»

Selon Michael Applebaum, Mme Harel savait très bien que le promoteur avait reçu l'autorisation d'ériger le complexe en août 2009, juste avant le début de la campagne électorale. Il l'accuse d'avoir critiqué Cité Nature pendant les élections pour séduire les adversaires du projet, tout en sachant qu'il lui serait impossible de le changer.

Il y voit la preuve que la leader de Vision Montréal «parle pour parler».

Louise Harel rétorque qu'elle n'a jamais promis de stopper le projet, contrairement à Projet Montréal, dont le chef, Richard Bergeron, est aujourd'hui responsable de l'urbanisme au comité exécutif.

«On n'a jamais pris l'engagement électoraliste d'un moratoire, a-t-elle affirmé. L'engagement qu'on a pris, c'est d'être conséquents en matière d'inclusion et de mixité.»

Elle a d'ailleurs réitéré qu'elle exigera le remboursement de son dépôt si la deuxième phase de Cité Nature n'est pas modifiée afin d'y aménager plus de logements abordables pour les familles.

Il reste que la décision de Mme Harel d'habiter Cité Nature suscite un certain malaise dans ses troupes. «Est-ce que j'aurais préféré qu'elle achète ailleurs? Oui, a convenu la conseillère de Vision Montréal dans Marie-Victorin, Élaine Ayotte. Cela dit, où elle décide d'habiter, ça ne regarde qu'elle.»

Mme Ayotte et le maire de Rosemont-La Petite-Patrie, François Croteau, estiment que la décision de Mme Harel n'aura aucun effet sur la lutte qu'ils mènent pour que les prochaines phases du complexe répondent à leurs objections.

«Ça ne change absolument rien aux démarches que nous avons entreprises après notre élection», a indiqué M. Croteau, le porte-couleurs de Vision Montréal, qui a délogé André Lavallée comme maire de Rosemont-La Petite-Patrie l'an dernier.

Il souligne que le conseil d'arrondissement a déjà voté pour une motion qui réclame une consultation publique sur la deuxième phase du projet, une demande que le comité exécutif a rejetée. M. Croteau compte aussi rencontrer le promoteur de Cité Nature afin de le convaincre de prévoir plus d'unités abordables pour les familles.