Contraint de quitter son actuel local, le Refuge des jeunes devrait s'installer en septembre 2011 dans le Village, rue Sainte-Catherine Est. L'arrivée probable de cette ressource, qui accompagne depuis 20 ans des jeunes hommes en difficulté, suscite des réactions mitigées auprès des commerçants et habitants du quartier.

Les commerçants sont «abasourdis», dit Bernard Plante, directeur général de la Société de développement commercial du Village (SDC du Village).

«Je peux vous dire que, pour tout le monde, les deux bras leur ont tombé! La drogue se vend 24 heures sur 24 sur ce coin de rue-là, il y a un bar de danseurs juste en face. Au début, on a cru que c'était une blague, s'exclame Bernard Plante. Tout le monde admire le travail du Refuge, mais on se questionne: est-ce que c'est la bonne chose d'amener les jeunes dans ce coin-ci?»

L'Association des résidants et des résidantes des Faubourgs de Montréal (ARRFM) se pose les mêmes questions: «C'est pas jojo, le Village gai, dans ce coin-là, dit le président de l'ARRFM, Rolland Vallée. Dans l'arrondissement, 72 organismes sont voués à ce genre de service, et un 73e arriverait? Ce n'est pas qu'on ne les aime pas, mais bon...»

M. Vallée espère convaincre le Refuge de s'installer dans l'ancienne église Sainte-Brigide, au coin de la rue de Champlain et du boulevard René-Lévesque. «De deux maux, je préfère le moindre», dit-il, assurant que des négociations sont en cours. Manon Harvey, présidente du Centre communautaire Sainte-Brigide, dément cette information.

En quête d'un toit

Il y a moins d'un an, le Refuge des jeunes a appris que le nouveau propriétaire de l'église où il est installé depuis 1989, au coin des rues Roy et Berri, ne renouvellerait pas son bail, qui arrivera à échéance en septembre 2011.

Le Refuge s'est donc mis en quête d'un nouveau lieu à acheter, qui pourrait accueillir notamment un dortoir de 45 lits, des installations sanitaires, une cuisine et une salle à manger.

Son choix s'est porté sur un édifice de la rue Sainte-Catherine Est, où se trouve actuellement un sauna toujours en activité. Si aucune décision officielle n'a été prise du côté de l'arrondissement, le Comité consultatif d'urbanisme a déjà apporté son soutien au projet (voir encadré).

«Si l'église n'avait pas été vendue, nous n'aurions pas déménagé. Maintenant, il ne s'agit plus de regarder en arrière. Notre responsabilité est de reloger le Refuge pour qu'il n'y ait aucune interruption de service», dit France Labelle, directrice générale du Refuge des jeunes.

Le déménagement permettra au Refuge de rester à proximité des jeunes hommes qu'il souhaite aider. «On travaille avec des jeunes de la rue, alors c'est très pertinent que l'on soit proche d'eux», dit Mme Labelle.

Plusieurs organismes d'aide aux jeunes toxicomanes ou prostitués partagent l'avis de Mme Labelle.

«Ils seront encore mieux placés là où ils seront», croit Jean-François Mary, responsable de l'organisation et des communications de l'organisme communautaire Cactus, dont le déménagement en 2006 avait aussi soulevé la colère des résidants du centre-ville. «On se rend compte que, maintenant, on a de très bons rapports avec le voisinage. Certains disent même que la situation s'est améliorée», dit-il.

Aller où sont les jeunes

Dan Bigras, porte-parole du Refuge des jeunes, ne cache pas son irritation face à ce débat: «Nous, on va où sont les jeunes. Il faut qu'ils puissent marcher pour aller chercher de l'aide. Ça, c'est important. On sera à la même distance du square Émilie-Gamelin que là où on est actuellement, et ça fait 20 ans qu'on est en très bon voisinage avec les commerçants et les résidants», dit-il.

«Il y a une couple de conseillers (municipaux) qui suggèrent d'autres endroits. C'est quoi, leur expérience? Ils n'ont aucune idée de ce qu'est une relation d'aide et ils évaluent mieux que ceux dont c'est le métier? Si les gens du Refuge disaient: "Écoutez, ce n'est pas un bon lieu", je comprendrais, mais ce n'est pas le cas. On n'a pas demandé à déménager, mais on n'a pas le choix», rappelle-t-il.

Le Refuge des jeunes accueille chaque année une moyenne de 650 jeunes de 17 à 24 ans sans abri et en difficulté. Le changement de vocation de l'immeuble du 1840, rue Sainte-Catherine Est fera l'objet d'un débat à la prochaine réunion du conseil d'arrondissement, le 16 juin.