Le vérificateur général de Montréal, Jacques Bergeron, a présenté son rapport annuel mardi matin. Il y soulève plusieurs interrogations, notamment au sujet de l'implantation du nouveau système téléphonique à la Ville, de l'attribution des contrats et du prix de vente de terrains à Rivière-des-Prairies.

Des «intervenants clés» ont beau avoir été écartés de la préparation de l'appel d'offres, l'installation du nouveau système téléphonique de la Ville de Montréal par TELUS sera «très profitable» pour les contribuables, a affirmé mardi le directeur général de Montréal, Louis Roquet. Et il a assuré avoir agi de manière «légale» et «éthique» en remettant le rapport du vérificateur général à la firme avant sa publication officielle.La Ville a mal évalué ses besoins avant de confier à TELUS deux contrats totalisant près de 100 millions de dollars, a affirmé le vérificateur général, mardi matin, lorsqu'il a présenté son rapport annuel. Le document fait état de «graves indices d'irrégularités», tellement qu'il a saisi la police de l'affaire.

C'est la troisième fois en un peu plus d'un an que le vérificateur général dénonce des irrégularités aux policiers.

M. Bergeron affirme qu'à la fin de son enquête, en février, à peine une fraction des réseaux téléphonique et informatique que devait déployer TELUS avait été effectivement implantée. Des experts en téléphonie et en informatique n'ont à peu près pas été consultés, ou ont été carrément tenus à l'écart, lors de la préparation de l'appel d'offres. Une équipe restreinte de trois personnes a piloté le dossier.

«Les besoins de la Ville ont été mal définis d'abord, a affirmé le vérificateur général. Les orientations stratégiques n'ont pas été communiquées aux différents responsables, ça a été un groupe restreint.»

Le groupe en question était constitué de deux consultants externes et de Gilles Parent, ancien chef de la division du service informatique (DSI) qui a été arrêté en septembre dernier et accusé de fraude. La police avait mené une enquête sur lui après une vérification interne menée par la Ville.

Le directeur général Louis Roquet reconnaît qu'il y a eu des «carences» administratives dans la préparation de l'appel d'offres. Il a attribué le problème à la faiblesse de l'appareil municipal à l'époque.

«On a dû engager deux professionnels spécialistes à l'extérieur parce que, à l'intérieur d'une Ville qui a un budget de 4,3 milliards et 29 000 employés, on n'avait pas deux experts en téléphonie et en télécommunications», a-t-il souligné.

Mais il assure que les contribuables ne feront pas les frais de ce cafouillage. Bell continue d'assurer le service là où TELUS n'a pas encore été en mesure de prendre le relais, et les sommes que la Ville lui verse sont déduites des honoraires de TELUS.

La Presse a demandé au président de TELUS-Québec, François Côté, combien coûteront au final les deux contrats, estimés à l'origine à 87 millions.

«M. Roquet va être en mesure de vous le dire, a-t-il répondu.

- Donc vous l'ignorez? a demandé La Presse.

- C'est certain, on travaille avec la Ville.»

Il a ensuite ajouté que, à ce jour, «il est raisonnable de croire qu'on va arriver dans nos budgets».

TELUS affirme n'avoir rien à se reprocher. Elle affirme avoir implanté à ce jour 39% du réseau téléphonique et 50% du réseau informatique. Les nouveaux systèmes seront entièrement déployés à l'automne, promet-elle.

Rien d'illégal

M. Roquet s'est par ailleurs défendu d'avoir transgressé le processus de reddition de comptes du vérificateur général lorsqu'il a transmis son rapport confidentiel à TELUS, le 23 avril dernier. L'enquête de M. Bergeron portait sur la Ville et non sur son fournisseur, a-t-il souligné. Il était de son devoir de vérifier le contenu du rapport avec l'entreprise.

«Je voulais m'assurer qu'il n'y aurait pas de renseignements que TELUS considérerait comme concurrentiels et confidentiels, a-t-il indiqué. Donc il y a eu des changements dans le rapport.»

Le directeur général admet toutefois que ce n'est qu'après avoir transmis le rapport à TELUS qu'il a sollicité l'avis de son service juridique.

L'opposition insatisfaite

Les partis de l'opposition, qui réclament des explications depuis une semaine au premier fonctionnaire, sont restés sur leur faim. La chef de Vision Montréal, Louise Harel, a réclamé une rencontre avec le maire Gérald Tremblay pour faire le point sur les agissements de M. Roquet.

«Ce qu'il y a de plus choquant, de plus troublant, c'est l'effort de banalisation, le business as usual auquel s'emploient la direction de la Ville et le directeur général lui-même», a dénoncé Mme Harel.

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, affirme pour sa part qu'il s'agit d'un «jour triste» pour la métropole. Il réclame que le directeur général et le vérificateur général aillent tous deux s'expliquer devant le conseil municipal. Si M. Roquet ne se présente pas devant les élus, a prévenu le conseiller Alex Norris, le parti réclamera sa démission.