La course à la succession d'Yvan Delorme à la tête de la police de Montréal est commencée. Mario Gisondi, numéro 3 du SPVM, était en lice. Mais maintenant que ses activités d'entrepreneur ont été révélées, sa nomination est moins probable aujourd'hui.

Le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis a reconnu mercredi qu'il s'interrogeait sur le fait que Mario Gisondi puisse être à la tête d'une entreprise de construction.«Il n'y a rien d'illégal, mais, dans les circonstances actuelles, avec l'opération Marteau et les allégations dans le domaine de la construction, que le numéro 3 de la police de Montréal, qui doit consacrer tout son temps à sa fonction, soit aussi président d'une entreprise de construction, honnêtement, on doit se poser des questions là-dessus», a dit M. Dupuis à la sortie de la réunion des députés libéraux. Il s'agit selon lui d'une situation «inappropriée».

Delorme au courant de la situation

La Presse a révélé mercredi que le directeur de la police de Montréal, Yvan Delorme, était au courant de la situation et n'y voyait rien d'anormal. Il soutient qu'il n'y a aucun lien entre ces faits et sa décision de démissionner. Comme d'habitude, le ministre Dupuis a feint de ne pas entendre les questions qui fusaient et a mis fin au point de presse après avoir dit ses deux phrases, en français puis en anglais. Il n'a pas dit, par exemple, s'il estimait que le départ de M. Delorme était lié à cette situation délicate. «Cela m'étonnerait que la population considère que c'est adéquat dans les circonstances. La loi ne peut rien faire, mais la Ville de Montréal devrait avoir une réflexion importante là dessus», a dit M. Dupuis.

Selon un policier d'expérience que La Presse a interrogé, les activités d'entrepreneur de M. Gisondi étaient connues même dans d'autres corps de police, comme la Sûreté du Québec. Il estime que quelqu'un au SPVM a simplement voulu écarter M. Gisondi de la course à la succession de M. Delorme. «C'est un gars qui, quand il donne sa parole, ne change pas d'idée», résume ce policier. Par ailleurs, souligne-t-il, l'entreprise de Gisondi fait dans le résidentiel de luxe, loin du secteur commercial, celui qui pose problème.

Le maire Gérald Tremblay n'a pas commenté le cas de M. Gisondi. Son bureau a renvoyé les journalistes au directeur des relations professionnelles de la Ville de Montréal, Jean-Yves Hinse. Celui-ci a reconnu que la situation semble «étrange».

«Il y a des questions qui se posent, a-t-il indiqué. On va collaborer avec nos collègues du SPVM pour voir ce qu'il en est plus précisément concernant M. Gisondi.»

Éthique

La Ville n'empêche pas ses employés d'occuper un second emploi, explique M. Hinse, mais à deux conditions: que leur supérieur immédiat en soit informé et que l'emploi secondaire n'interfère pas avec l'emploi principal, par exemple en débordant sur le temps payé par les contribuables.

«Si les deux critères sont respectés, ça ne pose pas de problème comme tel», a-t-il affirmé.

Le porte-parole de Vision Montréal en matière de sécurité publique, Réal Ménard, souligne que Mario Gisondi ne commet aucun geste illégal. Mais, selon lui, la situation pose un grave problème éthique: «Quand on est le numéro 3 du SPVM, on a un salaire de plus de 140 000$. C'est donc raisonnable pour les contribuables et les élus de s'attendre à ce que les membres de l'état-major se consacrent totalement et exclusivement à leurs fonctions.»

Projet Montréal estime pour sa part que M. Gisondi s'est placé en conflit d'intérêts en étant à la fois directeur adjoint du SPVM et propriétaire d'une entreprise qui bâtit des maisons de luxe, Constructions Masy. Alex Norris, conseiller du district Mile End pour Projet Montréal, estime que la situation pourrait miner la confiance du public dans l'escouade Marteau, à laquelle participe le SPVM.

«On ne peut pas être à la fois l'enquêteur et, potentiellement, l'enquêté», a-t-il dit.