L'escouade Marteau, ce groupe d'enquêteurs spécialisés de la Sûreté du Québec mandatés pour faire le ménage dans l'industrie de la construction, a fait sa première arrestation, jeudi, sept mois après sa création.

Les policiers soupçonnent un fonctionnaire municipal, Mario Villeneuve, d'avoir accepté un pot-de-vin d'une entreprise de Laval spécialisée en mécanique du bâtiment nommée Aéro Mécanique Turcotte, alors qu'il était contremaître pour la Ville de Beaconsfield.L'homme de 49 ans s'est rendu à la police au quartier général de la Sûreté du Québec à Montréal, jeudi, après qu'un mandat d'arrêt eut été lancé contre lui la veille. Il est soupçonné d'avoir enfreint trois articles du Code criminel liés à la corruption.

Entre le 24 janvier et le 26 janvier 2007, le fonctionnaire Mario Villeneuve aurait accepté d'Éric Longpré, de la société Aéro Mécanique Turcotte, «un prêt, une récompense, un avantage ou un bénéfice en contrepartie du fait qu'il aide à obtenir l'adoption d'une mesure, motion ou résolution concernant ladite compagnie», peut-on lire dans le mandat d'arrêt. Il est aussi inculpé d'abus de confiance.

Aéro Mécanique Turcotte est une entreprise de Laval qui se spécialiste dans les domaines de la plomberie, de la ventilation, de la climatisation, du chauffage et de la géothermie. «Nous offrons des services d'installation et d'entretien de qualité supérieure pour nos clients des secteurs résidentiel, commercial et industriel», peut-on sur son site web.

Celui qui aurait offert le pot-de-vin, Éric Longpré, est le directeur du «département de service». «Diplômé en réfrigération, Éric travaille dans le domaine du service depuis plus de 20 ans. Grâce à son dynamisme et à son audace, il gère son département de service avec tact. Il assure une coordination et une supervision sans faille, en tout temps. Ces éléments, combinés à ses multiples connaissances, font de lui un collaborateur gagnant», lit-on sur ce même site.

Joint par La Presse, jeudi, le président-fondateur d'Aéro Mécanique Turcotte, Frédéric Turcotte, a confirmé que des policiers avaient rencontré son collègue Éric Longpré. M. Turcotte a coupé court à l'entrevue en nous promettant de nous rappeler plus tard. Il n'a pas rappelé La Presse, jeudi.

M. Turcotte est ingénieur. Son objectif est de «tailler à l'entreprise une solide réputation et une crédibilité que peu d'entreprises peuvent se vanter d'avoir», décrit-il sur le site internet de la société.

Quant à Mario Villeneuve, il a travaillé comme fonctionnaire municipal dans au moins quatre villes depuis 2004, selon nos recherches. Le directeur général de la Ville de Beaconsfield, Patrice Boileau, s'est dit «surpris» par l'arrestation de son ancien employé, bien que la Ville ait reçu la visite d'enquêteurs au cours de l'hiver.

M. Villeneuve a travaillé à Beaconsfield de mai 2004 à février 2007. Sans raison apparente, selon M. Boileau, le fonctionnaire a quitté son emploi pour aller travailler au service des travaux publics de la ville voisine, Baie-d'Urfé.

La Ville de Baie-d'Urfé, dans l'Ouest-de-l'Île, a aussi reçu la visite des enquêteurs l'hiver dernier, selon son directeur général, Richard White. «Nous pensons que ça n'a rien à voir avec Baie-d'Urfé. Je crois que les policiers cherchaient un entrepreneur en particulier, mais je ne sais pas lequel. M. Villeneuve était juste un contremaître qui ne pouvait pas approuver une dépense de plus de 300$», a précisé M. White. Mario Villeneuve a quitté cet emploi en juillet 2008, car il est tombé malade, selon le DG de la Ville.

Mario Villeneuve a ensuite travaillé quelques mois à la Ville de Valleyfield, où il a occupé un poste temporaire de contremaître. «On n'a pas reçu sa candidature pour un poste permanent, alors il est parti. Je n'ai pas de commentaire particulier à faire sur son travail», a dit le directeur général de cette ville, Pierre Chevrier.

Depuis l'automne dernier, M. Villeneuve travaille comme inspecteur municipal chargé d'accorder les permis de construction à Rivière-Beaudette, en Montérégie. «J'ai appris la nouvelle en même temps que vous. Je n'en sais pas plus», a indiqué pour sa part le maire de Rivière-Beaudette, Patrick Bousez.

Les enquêteurs de la SQ ont fait une perquisition à la résidence de M. Villeneuve à Saint-Lazare, jeudi, à la recherche de preuves. Il doit comparaître devant le tribunal le 6 mai.