Un bail conclu entre la Ville de Saint-Lambert et un club de golf privé dont le maire, l'ex-maire et la directrice générale sont membres contient plusieurs irrégularités, affirme le ministère des Affaires municipales, qui met carrément en cause la légalité de l'entente.

En 2008, un groupe de citoyens de cette ville de la Rive-Sud a porté plainte au gouvernement après la signature d'un bail emphytéotique avec le Country Club de Montréal (CCM), valide jusqu'en 2050. Il souligne que l'entente permet au club privé d'occuper presque gratuitement un terrain qui occupe 7% du territoire de la municipalité.

 

Sean Finn, maire de la ville au moment où le bail a été signé, et la directrice générale qui l'a négocié, Michèle V. Lortie, sont tous deux membres du club. Celui qui a succédé à M. Finn à la mairie, Philippe Brunet, détient aussi une quote-part dans le club, mais il ne le fréquente plus depuis quelques années.

Après avoir rencontré les citoyens et des représentants de la Ville, le ministère des Affaires municipales a tranché: l'entente avec le CCM contient «plusieurs irrégularités», écrit le sous-ministre Marc Lacroix dans une lettre que La Presse a obtenue.

«Nous avons certaines interrogations quant à l'objet de l'entente qui permet que soit exploité, sur un immeuble appartenant à la Ville de Saint-Lambert, un club de golf de nature privée et exclusive, donc ne pouvant bénéficier de manière générale aux citoyens», écrit-il.

«Selon les informations qui m'ont été données, ajoute-t-il, cette situation apparaît difficilement conciliable avec les principes fondamentaux régissant les pouvoirs des municipalités et soulève un doute sérieux relativement à sa légalité.»

Le Ministère donne à la Ville jusqu'au 31 mars pour «prendre toute mesure nécessaire pour régulariser la situation».

«C'est une opportunité unique que le conseil a devant lui pour trouver quoi faire avec cet espace et le mettre au service des citoyens et non pas d'un groupe privilégié», a affirmé l'un des plaignants, Simon Denault.

Le bail qui lie le CCM à Saint-Lambert prévoit que l'organisme versera un «loyer» annuel de 40 000$. Mais s'il prouve qu'il a investi une somme égale ou supérieure pour «maintenir ou augmenter» la valeur du terrain et du bâtiment, le locataire sera exempté de ce paiement.

La Ville s'est aussi engagée à investir 10 000$ par année pour entretenir une clôture située en bordure du terrain, ainsi qu'une voie d'eau qui le traverse.

Les élus blanchis

Les citoyens accusaient MM. Finn et Brunet, ainsi que Mme Lortie, de s'être placés en situation de conflit d'intérêts, puisqu'ils ont négocié un bail avec le CCM tout en étant membres de ce club. Mais le Ministère les blanchit parce que le CCM n'est pas une entreprise à but lucratif.

«Les faits portés à notre connaissance ne permettent pas de conclure qu'ils avaient, au sens de la loi, un intérêt pécuniaire particulier dans la question, écrit le sous-ministre Lacroix. Quant aux contrats avec la municipalité, la loi prévoit une exception lorsque l'intérêt de l'élu consiste dans le fait qu'il est membre d'un organisme à but non lucratif tel que le CCM.»

Mais le Ministère n'a analysé le dossier qu'à la stricte lumière de la loi, et non en regard du code d'éthique de Saint-Lambert, souligne Simon Denault. C'est pourquoi il souhaite que la Ville mandate un conseiller en éthique indépendant pour évaluer le comportement des élus et des fonctionnaires dans ce dossier.

Joint par La Presse, hier, le maire Philippe Brunet a préféré réserver ses commentaires. Il fera le point sur le bail du CCM au cours d'une conférence de presse cet après-midi.