Les nouvelles contraventions électroniques que reçoivent les Montréalais depuis deux ans, qui ne portent pas la signature du policier, pourraient être illégales.

C'est du moins ce que soutiennent les avocats d'un automobiliste montréalais, Marc-André Bolduc, dans un procès tenu cette semaine et dont l'issue pourrait coûter des dizaines de millions de dollars à la Ville de Montréal.

Après une heure et demie de débats corsés et d'échanges pointus sur des points de droit, jeudi, le juge Wilbrod Claude Décarie de la Cour supérieure a mis la cause en délibéré. Il devrait rendre sa décision dans les prochaines semaines.

Marc-André Bolduc a écopé d'une amende de 115$ pour excès de vitesse en février 2008. L'automne dernier, il a perdu sa cause devant la Cour municipale, à qui il demandait d'annuler le constat d'infraction électronique puisque la signature du policier qui l'avait arrêté n'y figurait pas.

Il s'agit d'une infraction au Code de procédure pénale, plus précisément à l'article 34.8, ont plaidé ses avocats. Un paragraphe stipule en effet que le constat doit porter une signature, manuscrite ou électronique, ou un code de validation.

La Cour supérieure a entendu l'appel jeudi matin. Plutôt sceptique au début de l'audience, le juge Décarie a quelque peu rabroué les deux avocats de l'automobiliste, Me Marie-Hélène Lamoureux et Me Alexandre Bergevin, en estimant qu'il y avait «beaucoup de papier et beaucoup d'argent dépensé pour une petite affaire de billet électronique».

À l'issue de leur plaidoirie, le juge a semblé plus sympathique à leur cause. Il a reconnu que le constat électronique de Montréal ne semblait pas être un modèle de respect de la loi puisque aucune signature ou code de validation n'y figure.

Le juge a notamment relevé que les contraventions électroniques de la Ville de Boisbriand, produites en preuve par les avocats de l'automobiliste, portent bel et bien un code unique de 40 lettres et chiffres permettant d'identifier la personne qui les a délivrées.

«Vous serez d'accord avec moi que ça colle pas mal plus au code de procédure pénale, a lancé le juge à l'avocat de la Ville de Montréal, Me Serge Cimon. (Sur les contraventions électroniques montréalaises), il n'y a même pas d'initiales!»

«Équivalent» à la signature

La question au coeur du litige est relativement simple: les nouveaux constats d'infraction électronique instaurés en janvier 2008 comportent-ils ce qui peut être qualifié de «signature», manuscrite ou autre? Le détail est crucial. Pour ne pas être obligés de défendre eux-mêmes les contraventions qu'ils délivrent, les policiers québécois doivent les signer depuis 1972.

Comme l'ont démontré les avocats de l'automobiliste, outre la Ville de Boisbriand, les contrôleurs routiers du Québec utilisent également des constats électroniques qui respectent la loi. Dans ce dernier cas, on imprime le constat et on le signe à la main.

À Montréal, la contravention électronique imprimée et remise à l'automobiliste contient deux fois les nom, prénom et matricule du policier, en caractères d'ordinateur. À la toute fin du document, ces informations sont réimprimées et présentées comme une attestation que le «présent document est conforme à son double». C'est cette dernière section que l'avocat de la Ville a présentée comme l'équivalent d'une signature électronique.

«Nulle part le législateur n'a défini ce qu'était une signature électronique ou un code de validation, a affirmé Me Cimon. C'est pour laisser une marge de manoeuvre aux villes. Un matricule, un nom, un prénom, ce sont des marques personnelles. Nulle part il n'est écrit qu'un code de validation, c'est un alignement de chiffres et de lettres.»

Depuis janvier 2008, la Ville de Montréal a donné 3,8 millions de constats d'infraction, dont l'écrasante majorité en format électronique, qui lui ont permis d'encaisser plus de 300 millions. Selon le Service de police de la Ville de Montréal, ce nouveau système a permis de produire les contraventions plus vite tout en réduisant le nombre de contestations.