Les tunnels du nouveau métro de Laval, inauguré il y a moins de trois ans, sont déjà parcourus d'une multitude de fissures de plusieurs mètres de longueur qui nécessitent des injections de béton. Elles devront faire l'objet d'un suivi durant toute la vie utile du nouvel ouvrage.

La Presse a appris qu'au moins 17 fissures longues de plus de 2 m et d'une largeur de plus de 1 mm n'ont pas été réparées dans les stations Henri-Bourassa et Concorde, ainsi que dans le tunnel creusé sous la rivière des Prairies, malgré des recommandations formulées il y a plus de deux ans par un ingénieur de renom, spécialisé en structures.

La grande majorité de ces fissures (15 sur 17) sont situées dans la voûte du tunnel qui surplombe la nouvelle voie no 4 de la station Henri-Bourassa, construite dans le cadre du prolongement du métro vers Laval.

Il s'agit, en fait, de «zones de fissuration», formées d'une ou de plusieurs fissures parallèles, qui s'étendent sur des distances de 4 à 13 mètres dans la station Henri-Bourassa. Ces 15 zones sont concentrées sur une portion de la voûte qui fait seulement 96 mètres de longueur, au-dessus de l'endroit où les rames s'immobilisent, en station.

Les deux autres fissures, qui s'étendent respectivement sur 6 et 11 mètres, sont situées à la nouvelle station Concorde et dans le tunnel sous la rivière des Prairies, entre les stations Henri-Bourassa et Cartier. En tout, les injections de béton prévues s'étendront sur 148 mètres de voûte.

La réparation de ces fissures a été recommandée en novembre 2007 par l'ingénieur Frédéric Légeron, conseiller technique principal de la firme d'ingénierie Tecsult, dans une «note technique» de sept pages que La Presse a obtenue.

«Il serait prudent, écrit l'ingénieur, d'entreprendre un programme de réparation de toutes les fissures des voûtes en station de plus de deux mètres de longueur, lorsque leur ouverture dépasse 1 mm, et ce, quel que soit leur nombre.»

«Il est aussi recommandé d'implanter un monitorage permettant de suivre les ouvertures de certaines fissures afin de s'assurer que celles-ci ne progressent pas dans le temps.»

Les expertises obtenues par l'Agence métropolitaine de transport (AMT), l'organisme provincial responsable de la construction du métro, ont conclu que cette fissuration ne représentait pas un risque pour la sécurité du public.

Leur réparation est toutefois jugée nécessaire pour «assurer la stabilité de la voûte» à plus long terme, selon une lettre du 13 mai 2008 écrite par l'ingénieur Charles Chebl, directeur de projet pour le groupement d'entreprises SGTM, qui a conçu et réalisé le prolongement du métro vers Laval.

Ces réparations n'ont toutefois pas encore été réalisées parce qu'elles font partie des négociations difficiles visant le transfert des actifs du métro de Laval à la Société de transport de Montréal (STM), qui demande des garanties financières au gouvernement du Québec «en cas de vice de construction ou de malfaçon des ouvrages construits».

Garanties demandées

En avril dernier, dans une lettre adressée au ministère des Transports du Québec, la STM et la Ville de Montréal jugeaient essentiel «que tous les coûts qui devraient être payés sur un ouvrage neuf» soient admissibles à des programmes de subventions pour «éviter que les municipalités de l'agglomération de Montréal aient à assumer toute dépense» liée au prolongement du métro.

Joint par La Presse mardi, le directeur général de la STM, Yves Devin, a reconnu que, à cette époque, plusieurs déficiences de construction s'étaient déjà manifestées depuis la mise en service du métro, en avril 2007. Les tuiles décoratives tombaient en série à la station Concorde. De l'eau s'infiltrait dans les locaux commerciaux de la station Cartier. Les ingénieurs de la STM, affirme M. Devin, «étaient aussi inquiets à propos de la voûte fissurée, en particulier dans la station Henri-Bourassa.»

«Depuis, insiste le directeur général, nos ingénieurs nous ont assuré que ces fissures ne présentaient pas de problème de sécurité. Ils ont inspecté la voûte, la membrane, ils ont fait du carottage, et toutes leurs analyses confirment que les tunnels sont sûrs.»

«Maintenant, ajoute M. Devin, la question qu'on se pose, c'est : pourquoi ont-ils commencé à remplacer les tuiles de céramique à la station Concorde au lieu de commencer à injecter les fissures ? Je ne sais pas. Au début de 2010, nous allons demander que le traitement des fissures soit réalisé en priorité.»

M. Devin a dit avoir bon espoir que les négociations entre l'AMT et la STM sur le transfert des actifs du métro de Laval, auxquelles participent aussi trois ministères, aboutissent dans les semaines qui viennent.

Au ministère des Transports du Québec, l'attachée de presse de la ministre Julie Boulet, Joly-Anne Pronovost, a confirmé que les garanties financières réclamées par la Société de transports de Montréal font bien partie des négociations pour la rétrocession des actifs du métro. Elle a toutefois refusé d'indiquer si Québec approuve ou pas cette demande de la STM.