Noël oblige, les rues de la métropole étaient pratiquement désertes, hier matin. Mais alors que certains faisaient la grasse matinée et que d'autres déballaient leurs cadeaux, les chauffeurs de taxi étaient fidèles au poste.

Ruth Beaulac était du nombre. Comme plusieurs centaines de ses collègues, Mme Beaulac a passé la journée de Noël au volant de sa Toyota Camry, à l'affût des appels et des passants levant le bras.

«Plusieurs chauffeurs n'ont pas le choix de travailler pendant les Fêtes. Par exemple, ceux qui louent leur voiture ont des engagements envers le propriétaire», a-t-elle souligné.

Ruth Beaulac travaille depuis près de 23 ans chez Taxi Coop, à Montréal. Propriétaire de son véhicule, elle est entièrement libre de son temps. Si elle a choisi de sillonner les rues de Montréal, hier, c'est parce qu'elle en avait envie.

«Les gens sont beaucoup plus de bonne humeur à Noël. On aimerait qu'ils soient comme ça à longueur d'année!» a-t-elle dit en riant.

Autre élément à considérer : les 24, 25 et 31 décembre, ainsi que le 1er janvier, sont des journées payantes. La circulation est fluide, les gens sortent beaucoup... et ils laissent de bons pourboires.

Des voyageurs heureux

À 11 h, à l'angle du boulevard Saint-Joseph et de la rue de La Roche, dans le Plateau-Mont-Royal, Ruth Beaulac se met en file à une station. À peine 10 minutes plus tard, le répartiteur lui assigne une course.

«Ces jours-ci, on conduit plusieurs clients à la gare et à l'aéroport, dit-elle, tout en se rendant à l'adresse qu'on lui a donnée. La crise économique ne semble pas affecter les voyageurs.»

À destination, une jeune femme sort de chez elle les cheveux encore mouillés. «Je vais à l'aéroport», lance Deborah Bakker, visiblement étonnée de voir deux femmes à bord.

Les chauffeuses de taxi sont en effet une espère rare. Ruth Beaulac, peignée et maquillée avec soin, est l'une des sept femmes chez Taxi Coop sur un total de 700 chauffeurs.

Elle assure qu'il ne lui est jamais rien arrivé. «On ne m'a jamais fait de commentaires sexistes, dit-elle. Quand les hommes montent dans mon taxi, c'est comme s'ils s'assoyaient dans mon salon. Ils restent tranquilles.»

Ruth Beaulac aide Deborah Bakker à déposer ses valises dans le coffre et met le cap vers l'aéroport Montréal-Trudeau. Mme Bakker, qui travaille pour une ONG montréalaise, va visiter sa soeur à Vancouver. Elle arrivera juste à temps pour le souper. «J'aurais pu rester à Montréal avec mes amis, mais à Noël, la famille est primordiale», lance-t-elle, les yeux brillants.

Après cette course, Ruth Beaulac se dirige vers le Vieux-Montréal. Les rues sont presque vides. Quelques calèches passent à côté de la station de taxis. Dix minutes, 30 minutes, une heure... Le calme plat.

Derrière elle, son collègue Hashem Mohamed s'impatiente. «C'est tranquille, peste-t-il. Le mois de décembre a été pas mal moins bon que les autres années.» Après quelques minutes, il quitte la station.

«Aujourd'hui, c'est l'une des journées les moins occupées de décembre», constate Ruth Beaulac. Les mois d'octobre et de novembre ont été particulièrement tranquilles cette année. La crise économique et le temps clément y sont pour quelque chose.»

Ruth Beaulac pourrait vendre son taxi et choisir un boulot plus régulier. Son permis, qu'elle a acheté à son père au prix de 11 000$, il y a 23 ans, vaut maintenant plus de 220 000$. «Ma vie dans le taxi est belle et agréable, dit-elle. Si je n'aimais pas ça, je ne serais pas ici le jour de Noël.»