Le ministère des Affaires municipales doublera le nombre de ses vérificateurs d'ici au printemps, et la dizaine d'experts supplémentaires seront affectés en priorité à la région métropolitaine.

Le ministre Laurent Lessard a dévoilé jeudi une série de mesures destinées à mieux contrôler l'adjudication des contrats par les municipalités. Les maires des neuf villes les plus importantes du Québec et les présidents des deux unions municipales étaient convoqués jeudi pour prendre connaissance des intentions de Québec.«L'objectif est de redonner confiance à la population envers les élus et l'administration municipale», a expliqué le ministre Lessard. Pour l'heure, il parle d'une série d'intentions qui devront se matérialiser dans un projet de loi, lequel sera déposé avant les Fêtes. Les nouveaux vérificateurs «travailleront principalement pendant la prochaine année sur la région métropolitaine de Montréal puisque le plus grand volume de contrats s'y trouve», a expliqué le ministre.

Gilles Vaillancourt, maire de Laval, s'est fait demander sans détour s'il y avait un problème de corruption dans sa ville. «Je n'ai pas d'indications qu'il y en aurait, a-t-il répondu. Est-ce qu'il y en a dans l'industrie de la construction? Les questionnements sont là... Je n'ai pas plus de réponse que vous.»

Le président de la Fédération québécoise des municipalités, Bernard Généreux, croit pour sa part que l'enjeu est bien plus large que l'adjudication des contrats: «Il y a tout un réseau, un système, il y a des gens qui sont devenus spécialistes des plans et devis. Ils doivent être aussi interpellés. Ce n'est pas vrai que le monde municipal sera le seul à porter le bonnet d'âne.» Il faudrait selon lui une enquête publique pour mettre toute la lumière nécessaire sur les stratagèmes qui débordent du monde municipal.

Pour Robert Coulombe, maire de Maniwaki et président de l'Union des municipalités, toutes les propositions de Québec sont bienvenues: «On entre dans ce processus parce qu'on veut un vrai resserrement. On ne fait pas le procès de la construction, mais ce n'est pas sur le monde municipal qu'il faut faire une enquête publique. On parle aujourd'hui de resserrement pour pouvoir accorder des contrats et avoir un meilleur rendement de nos investissements.»

M. Lessard a annoncé que Québec pourra déclencher au hasard des enquêtes sur l'attribution des contrats, même s'il n'a pas reçu de plainte formelle. Québec aura aussi le pouvoir d'exiger l'information qu'il veut obtenir d'une ville. Actuellement, des administrations se font tirer l'oreille plutôt que de collaborer avec le Ministère.

Les vérificateurs du Ministère auront les mêmes pouvoirs que les vérificateurs généraux indépendants dont sont dotées les villes de plus de 100 000 habitants. Ils pourront faire des audits du processus d'appels d'offres d'une municipalité.

En outre, les villes seront tenues à plus de transparence. Les contrats ainsi que les soumissions non retenues seront inscrits sur le web et accessibles aux citoyens.

Autre mesure, prévisible celle-là: Québec interdira la divulgation des noms des soumissionnaires jusqu'au moment de l'ouverture des enveloppes.

Les villes seront tenues de se doter d'une politique de «gestion contractuelle» et de meilleures règles d'adjudication pour assurer qu'avant de lancer un appel d'offres, les besoins ont été soigneusement évalués. «On s'aperçoit qu'il y a des évaluations qui sont lancées et que, curieusement, quelqu'un analyse ta soumission, regarde les failles pour être capable de facturer des extras, des extras et des extras», a dit le ministre. «Les élus, on peut se permettre de le dire, ne sont pas des experts. Il faut qu'ils aient le meilleur environnement d'affaires pour prendre ces décisions», a ajouté M. Lessard.

Ancien maire de Thetford, M. Lessard a rabroué un journaliste qui a parlé des maires «corrompus»: «Les élus municipaux travaillent bien. Si des gens ont de l'information, il y a une ligne 1-800 pour ça. Mais, actuellement, les élus municipaux méritent de retrouver la confiance.»

Les dérapages à Montréal restent des cas isolés si l'on tient compte des 8100 élus municipaux et des 5000 appels d'offres lancés chaque année, a insisté le ministre: «En général, cela va bien.»

En marge du projet de loi, Québec mettra en place un comité d'experts représentant les deux associations et la Ville de Montréal. Le groupe aura à faire des propositions pour améliorer les règles actuelles d'adjudication des contrats municipaux. Les villes devront aussi se doter d'un code d'éthique - un projet de loi sera adopté à ce sujet avant juin 2010.