L'ensemble du réseau téléphonique de la Ville de Montréal est instable et comporte «un risque de panne majeure» tant l'implantation d'un nouveau système par Telus est chaotique.

Le vérificateur général de la Ville de Montréal produira avant les Fêtes un rapport percutant sur les lacunes du système téléphonique qu'a acheté la Ville de Montréal, un contrat de 10 ans d'une valeur de près de 100 millions de dollars confié à Telus au début de 2008.

«On ne parle pas ici de risque théorique de panne, c'est bien réel», confie une source proche de cette investigation.

La Presse a révélé, il y a deux semaines, que le vérificateur général de la Ville, Jacques Bergeron, s'intéressait à cette transaction étonnante, où un nouveau fournisseur était parvenu à déloger Bell, en place depuis des années.

Depuis, il a déclenché une enquête formelle après avoir dans un premier temps constaté les dégâts. L'implantation du nouveau système dans les 300 bureaux de la ville, qui comptent 17 000 postes téléphoniques, a pris un énorme retard. Le vérificateur en est même à s'interroger sur la capacité de Telus à respecter le contrat et évalue les coûts supplémentaires entraînés par ce choix, confie-t-on à l'hôtel de ville.

Un autre appel d'offres douteux

Le vérificateur a aussi trouvé des problèmes dans le processus d'appel d'offres qui a mené au choix de Telus, indique-t-on.

Telus demandait presque deux fois moins cher que sa concurrente, ce qui a vite soulevé des soupçons au bureau du vérificateur. Pour un premier contrat, Telus avait fait une proposition à 35 millions de dollars et l'avait emporté sur Bell, qui demandait 47 millions. Pour la transmission de données, Telus a soumissionné à 47 millions, alors que Bell s'est disqualifiée en demandant 83 millions.

Depuis, des sources fiables ont confirmé à La Presse que le vérificateur avait entrepris une enquête en bonne et due forme sur cet aspect de la transaction.

Telus refuse de commenter ce dossier et s'en remet aux déclarations de la Ville de Montréal.

Le vérificateur s'intéresse aussi à la gestion du contrat ainsi qu'au respect des échéanciers et des devis établis à l'origine.

Sans avoir l'importance du «scandale» du contrat des compteurs d'eau attribué à GÉNIeau, trois fois plus coûteux, les conclusions du rapport du vérificateur sur ce contrat «vont soulever des vagues», prédit-on déjà dans les coulisses. Facteur de «risque» additionnel, le «responsable du projet» était le patron des technologies à la Ville, Gilles Parent, qui a été congédié au début de l'automne. Il est poursuivi pour fraude au criminel.

Jusqu'à il y a un mois, la Ville de Montréal n'avait pas payé un cent pour ses services téléphoniques de 2009, a appris La Presse. Elle a finalement payé sa facture de téléphone au début du mois d'octobre, mais à Bell, firme avec laquelle elle n'a aucun contrat.

Cette situation saugrenue survient parce que Telus n'a pas pu rendre les services pour lesquels elle avait été retenue. Au cours d'une partie de bras de fer, la Ville a soutenu que Telus devait payer Bell, puis on a décidé de payer les services... à la société qui les avait fournis. Dans un premier temps, le service des communications de la Ville avait affirmé à La Presse que Montréal avait payé ses services de téléphonie cette année. Après vérification, il appert que le seul paiement, un chèque de 1,8 million, a été fait à la mi-octobre. Rien n'a été payé pendant plus de 10 mois.

Même si, officiellement, Telus est responsable du système de téléphonie filaire et des transmissions de données à la Ville, Montréal ne lui a pas versé un cent. «Nous sommes à bâtir le modèle de facturation en conformité avec le contrat», a indiqué le service des communications de la Ville de Montréal.

Le problème IP

Autre problème de taille, les téléphones IP achetés à grands frais dans le cadre du programme de modernisation de Telus ne sont pas compatibles avec le service 911, bien que le contrat le demande clairement, selon le résumé qu'a envoyé la Ville à La Presse. La Ville reconnaît qu'on a décidé de faire d'abord «migrer» les téléphones standard pour s'occuper plus tard de ce problème particulier.

Le contrat a été signé au début de 2008, et la «migration» du système de Bell vers celui de Telus, une technologie plus avancée, est en retard de plusieurs mois. Même à l'hôtel de ville, on accuse plus de six mois de retard.

Telus avait aussi décroché le contrat de téléphonie du gouvernement du Québec en soumissionnant à bien moindre coût que Bell.