Pour les gens d'affaires, le Quartier des spectacles est synonyme de richesses. Pour les gouvernements, le CHUM est garant de modernité. Mais pour d'autres, cette revitalisation a également un côté pervers : elle expulse graduellement les clientèles marginalisées du centre-ville de Montréal.

Des intervenants du milieu communautaire ont lancé un cri d'alarme, hier, à l'occasion d'une commission populaire sur la sauvegarde des maisons de chambres de la métropole.

Leur nombre a chuté de façon dramatique au cours des dernières décennies. Il y avait 30 000 chambres dans de telles maisons, en 1987. En 2005, il n'en restait plus que 3000, selon le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).

Aucun nouveau recensement n'a été effectué depuis. Mais selon les intervenants du milieu, le processus s'est poursuivi, et les projets de revitalisation du centre-ville de Montréal accélèrent l'hécatombe.

Le Quartier des spectacles, notamment, inquiète Pierre Gaudreau, coordonnateur du RAPSIM. Selon l'organisme, huit chambreurs vont bientôt perdre leur logement puisque leur maison de chambres a été achetée pour faire place au Quadrilatère Saint-Laurent, un immeuble commercial et à bureaux.

Et le Quartier des spectacles n'en est qu'à sa première phase : d'ici 2012, des portions du boulevard de Maisonneuve et de la rue Sainte-Catherine seront également réaménagées, ce qui pourrait forcer des marginaux à s'éloigner du centre-ville, où sont concentrées les ressources qui leur viennent en aide.

Pierre Gaudreau s'inquiète également de l'impact du nouveau CHUM, près duquel on compte plusieurs maisons de chambres privées. «Pour les clientèles vulnérables, ces logements sont souvent le dernier rempart avant la rue, ou la bouée de sauvetage pour en sortir», a-t-il dit.

Les intervenants réunis hier à l'église unie Saint-Jean, rue Sainte-Catherine Est, ont proposé de nombreuses solutions pour sauvegarder la vocation des maisons de chambres privées. On souhaite surtout aider des organismes à but non lucratif à racheter ces immeubles. Des participants ont suggéré de bonifier les programme Accès-logis et d'instaurer un moratoire sur la vente des maisons de chambres à l'entreprise privée.

Problèmes d'insalubrité

Les problèmes d'insalubrité dans les maisons de chambres privées ont également été abordés hier. Présence de punaises ou de blattes, moisissures, sorties de secours inaccessibles ; chambreurs et intervenants en avaient long à dire.

Mario Brodeur a raconté une expérience traumatisante. Il y a trois semaines, l'homme de 50 ans a quitté une maison de chambres de Lachine. Des punaises avaient envahi sa chambre, l'eau ruisselait sur son plancher quand il pleuvait et la moisissure grimpait sur ses murs.

«Aujourd'hui, j'habite dans les refuges, et en fin de compte, je suis mieux, a-t-il dit. Jusqu'à présent, je ne me suis pas fait piquer et en plus, on m'aide à soigner mes plaies.»

«Il y a des maisons de chambres dans un tel état que les résidants sont mieux dans un refuge», a déploré Nancy Keays, infirmière à l'équipe itinérance du CSSS Jeanne-Mance.

Les commissaires feront leurs recommandations à la prochaine administration municipale.