Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) tente présentement d'établir si une infraction a été commise lorsqu'un entrepreneur en construction a tenté, au printemps dernier, d'empêcher la tenue d'élections à Boisbriand. L'entreprise concernée et la mairesse sortante se sont dites victimes d'un piège tendu par l'opposition.

Selon un reportage diffusé à l'émission Enquête jeudi soir, Lino Zambito, administrateur de la firme Infrabec, a tenté de convaincre les deux seuls conseillers de l'opposition d'accepter une entente afin que la mairesse Sylvie Saint-Jean soit la seule à se présenter le 1er novembre.

 

«Moi, je suis là pour éviter des élections à Boisbriand, puis crisse, tout le monde garde leur job», a dit Lino Zambito en présence de la mairesse, dans une conversation enregistrée à son insu par les conseillers Marlene Cordato et Patrick Thiffault.

«En bout de ligne, faire un hostie de power trip de politiciens ou politiciennes, on s'en va en campagne pour avoir le même calice de résultat. Pourquoi on regarde pas en avant pis voir ce qu'on peut bâtir ensemble, hostie?»

«Nous vérifions si une infraction a été commise dans ce dossier relativement à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités», a confirmé hier Denis Dion, porte-parole du DGEQ.

Selon l'article 590 de cette loi, «commet une infraction quiconque obtient ou tente d'obtenir qu'une personne pose sa candidature à un poste de membre du conseil, s'abstienne de le faire ou retire sa candidature en lui promettant ou en lui accordant quelque don, prêt, charge, emploi ou autre avantage ou en lui faisant des menaces».

Si les allégations sont fondées, un constat d'infraction pourrait être déposé en Cour du Québec.

«Un piège», se défend la mairesse

La mairesse de Boisbriand n'était pas disponible, hier, pour accorder des entrevues aux médias. Dans un communiqué de presse, elle a toutefois soutenu que tous les contrats d'Infrabec ont été accordés au plus bas soumissionnaire conforme.

Selon elle, la rencontre dont le reportage a fait état aurait été sollicitée par Patrick Thiffault auprès de Lino Zambito. Cette rencontre «avait pour but de discuter d'une collaboration entre mon équipe et la leur. J'estimais qu'il était intéressant d'éviter une élection coûtant 300 000$ et de travailler positivement ensemble, comme le font plusieurs gouvernements de coalition», écrit-elle.

«J'ai toutefois décidé de ne pas donner suite aux démarches de mes opposants, voyant que Mme Cordato et M. Thiffault étaient de très mauvaise foi. Je constate qu'ils ont voulu me piéger, mais ils ont lamentablement échoué.»

Selon Radio-Canada, l'entreprise Infrabec a obtenu plus de la moitié des contrats de la Ville de Boisbriand dans les cinq dernières années.

Lino Zambito et les administrateurs de Construction Infrabec ont également refusé d'accorder une entrevue à La Presse hier. Dans un communiqué, l'entreprise allègue que l'opposition s'adonne à une «campagne de salissage» à son endroit.

«Au contraire de ce que le reportage laisse entendre, jamais l'entreprise n'a fait quelque pression que ce soit sur un concurrent pour l'empêcher de participer à une soumission», ajoute le communiqué.

Pas d'enquête publique

À Québec, le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, n'a pas écarté hier la possibilité de déclencher une enquête publique pour faire la lumière sur les apparences de collusion dans le milieu de la construction. Il a toutefois indiqué que l'approche privilégiée par le gouvernement Charest demeurait toujours les enquêtes policières.

«Il n'y a pas de doute que les gens sont intéressés à savoir ce qui se passe, mais ils sont surtout intéressés à ce que ça cesse, et il est certain que la patience a des limites», a-t-il précisé sur les ondes de Radio-Canada.

«On ne peut pas tolérer ce genre de comportement-là et on va s'arranger pour que cela cesse», a-t-il ajouté.

De son côté, le ministre des Affaires municipales, Laurent Lessard, s'est dit heureux que le DGEQ décide d'enquêter sur l'affaire de Boisbriand. «Le gouvernement n'a jamais fermé la porte à une enquête publique. La seule chose qu'il a dite, c'est que l'on va laisser les policiers faire leur travail et après cela on verra. Il faut y aller étape par étape, selon une chronologie intelligente», a ajouté son attaché de presse, Sylvain Bourassa.

Avec Éric Clément