Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) vérifie actuellement des allégations de financement illégal du parti Union Montréal, soupçonné d'avoir reçu de gens d'affaires connus des sommes d'argent liquide dans Outremont pour financer la campagne électorale de 2005.

Deux anciens cadres de l'arrondissement ont affirmé à La Presse avoir été témoins de ces échanges d'argent, considérés comme illégaux par le DGEQ. Plusieurs cadres d'entreprises bien en vue, qui ont fourni des services à l'arrondissement d'Outremont, auraient remis de l'argent comptant à Union Montréal, alors appelé UCIM. Des enveloppes contenant entre 1200 $ et 7500 $ auraient été remises en mains propres à des représentants de l'UCIM en 2005.

Un restaurateur aurait remis une enveloppe contenant 4500 $ en liquide à un ex-membre d'Union Montréal. Un constructeur immobilier et deux sous-traitants auraient donné respectivement 4500 $, 4000 $ et 2960 $. Un entrepreneur en travaux publics aurait donné 1200 $. Une entreprise de la Rive-Sud a aussi envoyé des chèques totalisant 3000 $ à Union Montréal. Enfin, l'adjoint d'un fournisseur de services aurait donné 7500 $. La Presse a consulté les rapports financiers d'Union Montréal pour les années 2003-2008 : à une exception près, les noms de ces bienfaiteurs n'y figurent pas comme donateurs.

Selon les allégations, l'argent recueilli était conservé dans un coffre placé dans un bureau contigu à celui de l'ex-maire d'Outremont, Stéphane Harbour. Une employée comptait l'argent avant de le placer dans ce coffre. L'argent aurait permis de financer une partie de la campagne 2005 des élus d'Outremont, notamment en rémunérant du personnel.

Président de l'Association Union Montréal d'Outremont et organisateur du parti du maire Tremblay, Jean-Richard Bélanger recueille depuis huit ans l'argent que donnent des électeurs à son parti dans cet arrondissement. Il considère que, tant que le don est anonyme, il n'y a pas de limite à la somme donnée. «Tous les partis politiques ont droit à 20 % de dons anonymes, a-t-il dit à La Presse. Si ça ne dépasse pas les 80 % permis par la loi, c'est accepté».

Mais si c'est de l'argent liquide, est-ce correct ? «La seule chose que la loi dit, c'est que pour un don anonyme, la personne n'est pas identifiée. On ne sait pas combien elle a donné.»

Comme il le fait toujours, le DGEQ a refusé de commenter cette nouvelle enquête sur Union Montréal. Mais il rappelle que, selon la loi, un électeur montréalais ne peut donner plus de 1000 $ par exercice financier à un candidat ou à un parti montréalais. Une entreprise ne peut pas faire de contribution à un parti politique.

«Une contribution de plus de 100 $ doit être faite au moyen d'un chèque. Si c'est anonyme, ça ne peut se faire que lors d'une activité politique et, à ce moment-là, ce n'est pas limité», dit Cynthia Gagnon, porte-parole du DGEQ.

Responsable des communications de l'arrondissement d'Outremont pendant près de 10 ans, Alain Tittley avait dit l'été dernier à La Presse avoir vu des échanges d'enveloppes entre des membres d'Union Montréal et des fournisseurs de l'arrondissement à l'époque du maire Harbour. Actuellement candidat de Vision Montréal dans Outremont, il était présent le jour où un restaurateur a donné une enveloppe à un adjoint du maire.

Ça s'est produit ? «Ça se peut, avait dit M. Tittley. J'ai déjà été témoin de choses semblables. Mais j'ignorais ce que contenaient les enveloppes en question.» Est-ce que ça s'est passé avec d'autres fournisseurs ? «Oui», répond M. Tittley, qui ne participait à l'organisation politique d'aucun parti en 2005.

Invité à réagir, l'ex-maire Harbour a dit à La Presse qu'il n'était pas au courant de ces allégations. L'actuelle mairesse d'Outremont, Marie Cinq-Mars, qui était conseillère municipale d'Outremont en 2005, a dit aussi à La Presse ne pas être au courant.

«Quand j'ai entendu des choses en 2007, j'ai écrit au maire Gérald Tremblay, vous le savez, dit-elle. Si j'avais su (ces choses-là), j'aurais fait la même chose, j'aurais dénoncé.» Mme Cinq-Mars ajoute qu'elle n'a jamais entendu parler d'un coffre où l'on plaçait de l'argent liquide. «Si ça existait, on ne s'en est pas vanté devant moi, dit-elle. On m'a caché beaucoup de choses.»

L'ex-adjoint politique du maire Harbour, Jean-Claude Patenaude, se souvient du coffre. «Oui, il était placé dans mon bureau parce qu'il y avait un classeur avec une serrure, dit-il à La Presse. Ce classeur servait aux membres du conseil. J'ai d'ailleurs toujours été surpris par le fait que jamais les conseillers ne s'interrogeaient sur la provenance de l'argent qui servait à payer les réceptions des bénévoles, les repas, etc. Pourtant, ils ne payaient jamais rien. Encore aujourd'hui, je suis estomaqué par l'arrogance des conseillers encore en place qui ont profité largement de ce système et qui se présentent à nouveau devant les électeurs sans aucune gêne.»

La SQ enquête déjà depuis le mois de décembre 2007 sur le financement et la construction du Centre communautaire intergénérationnel d'Outremont.