Les 6000 cols bleus massés devant l'hôtel de ville, hier midi, n'ont pas su faire fléchir le maire de Montréal, qui n'a pas l'intention de leur consentir un sou de plus. Alors que le président du syndicat s'apprêtait à gonfler le moral de ses troupes à l'extérieur, par un temps de canard, Gérald Tremblay a qualifié leur débrayage de «totalement inutile».

«Ce ne sont pas les cols bleus qui vont mener à l'hôtel de ville, a prévenu le maire sortant à une poignée de journalistes réunis dans le hall d'honneur. Leurs demandes totalisent 100 millions, et je dois respecter la capacité de payer des contribuables montréalais.»Profitant de sa lancée, Gérald Tremblay n'a pas manqué de décocher une flèche à l'endroit de son adversaire principal dans la course à la mairie, Louise Harel, qui a déjà accusé la Ville de «traîner des pieds» dans le dossier. «Est-ce que Louise Harel a l'intention de devenir la femme de 100 millions?» a ironisé le maire.

Plus tard en après-midi, au moment où elle dévoilait son programme électoral (lire autre texte), Louise Harel a dit que «le maire Tremblay n'y est jamais pour rien, que ce soit pour les compteurs d'eau, les enquêtes policières, les pompiers sans contrat depuis trois ans, les policiers sans contrat depuis trois ans, les cols bleus sans contrat depuis deux ans».

Sans dévoiler clairement comment elle entend dénouer l'impasse avec les cols bleus, la candidate de Vision Montréal estime qu'il est «trop facile d'essayer de surfer sur la grogne de la population et de les traiter comme des parias. Il est certain qu'on ne va pas céder aux cols bleus mais on ne va pas se permettre de les mépriser», a-t-elle ajouté.

L'effet compteurs d'eau

Pendant ce temps, sous une pluie battante, des milliers de cols bleus ont monopolisé la rue Notre-Dame, devant l'hôtel de ville, en occupant également toute la place Jacques-Cartier. Un millier de délégués du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), réunis en convention pancanadienne au Palais des congrès, ont prêté main-forte aux cols bleus en descendant dans la rue.

Fort de ces appuis, le président du très puissant syndicat, Michel Parent, a pris la parole devant ses troupes juste au moment où la pluie cessait, laissant passer un rayon de soleil à travers les nuages. «Et la lumière se fit. Il suffit juste de la faire entrer à l'hôtel de ville maintenant», n'a pu s'empêcher de laisser échapper le leader syndical sous des applaudissements.

«Nous nous sommes déplacés devant le symbole de l'administration municipale, a expliqué Michel Parent. Quand Gérald Tremblay dit aux médias que nous réclamons 100 millions, ce sont des foutaises. Il ment. Il ment comme il a menti pour le contrat sur les compteurs d'eau.»

Sans appuyer ouvertement un candidat à la mairie de Montréal, le président du local 301 a incité ses troupes à voter en grand nombre le 1er novembre prochain pour «démontrer [leur] mécontentement». En huit ans, l'administration municipale actuelle n'a rien fait, a ajouté M. Parent, ne manquant pas de tirer à boulets rouges sur l'administration Tremblay-Dauphin pour les quelque 75 millions que vont coûter l'annulation du contrat des compteurs d'eau.

Dans la foule, où il n'y a pas eu de grabuge, un syndiqué affecté aux transports pour l'arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, qui a préféré ne pas se nommer afin d'éviter des représailles, avait l'impression que le débrayage n'aiderait en rien.

«On aimerait enfin pouvoir régler avec l'employeur. Au rythme où vont les choses, on va gagner 2%, mais on va devoir les payer en cotisations syndicales, a-t-il dit. Je suis en tout cas d'accord avec le contenu de notre dépliant pour dire qu'il faut réorganiser notre travail. Et 19 maires pour une île, une ville, ça n'a pas de sens. Regardez New York, il n'y a qu'un maire et 38 conseillers.»

D'autres manifestants, beaucoup plus visibles, habillés d'imperméables bleus affichant le slogan «Cols bleus jusqu'au bout», ont indiqué à La Presse que les cols bleus sont toujours ceux qui n'obtiennent rien de la Ville, les «maltraités». «Vous allez l'écrire dans votre journal, n'est-ce pas? a demandé une col bleu. Les citoyens doivent savoir la vérité. Nous sommes de bons travailleurs, nous gardons espoir d'avoir de bonnes conditions de travail.»