Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, est sorti de ses gonds, hier, à la suite de la publication d'un article du Devoir qui a révélé que son parti, Union Montréal, a payé des frais de déplacement de 8000$ pour son épouse, une paire de lunettes de 900$ pour lui-même, des décorations d'Halloween pour sa maison et... des bonbons qu'il donne aux enfants le soir du 31 octobre.

Le maire a trouvé mesquin qu'on évoque de telles informations et il n'a pas aimé devoir justifier les raisons pour lesquelles son parti paie des frais qui pourraient être du ressort de ses dépenses personnelles ou de ses frais de représentation.

 

Le maire est connu pour sa frugalité. Il ne demande jamais le remboursement de repas au restaurant, comme le font bien des élus. Il voyage toujours en classe économique en avion en Amérique du Nord. À notre connaissance, il lui est arrivé seulement deux fois de partir en classe affaires dans des voyages lointains. Il est revenu de Londres en classe affaires, en octobre 2008. En 2005, Union Montréal lui a payé un surclassement en classe affaires pour un voyage à Shanghai.

Dans un article intitulé «À l'Halloween, c'est le parti qui régale», Le Devoir a révélé hier que les décorations d'Halloween qui ornent «chaque année» la résidence privée du maire, «tout comme les friandises qui sont offertes aux enfants ce soir-là, sont une gracieuseté d'Union Montréal». Ces dépenses représentent quelques centaines de dollars.

Le maire a un salaire de 148 727$ par année et une allocation de dépenses de 14 584$. La Presse lui a demandé pourquoi il ne paie pas ces dépenses lui-même. En colère, il a répondu: «Les décorations de l'Halloween! ... C'est tellement bas, les questions que vous posez! J'ai honte, continuez votre acharnement, ça va bien!»

Le Devoir a rapporté aussi que la femme du maire l'a accompagné en Chine aux frais d'Union Montréal. Une dépense de 8000$. M. Tremblay a estimé, là aussi, qu'il n'était pas correct d'évoquer cette dépense. «Ça fait huit ans que ma femme fait du bénévolat, dit-il. Elle n'a jamais eu une robe de bal. Elle est venue à plus de 100 bals avec moi. Elle n'a jamais eu une coiffure. Quand je suis parti 23 jours en Chine, à ce moment-là, elle a cru bon de m'accompagner et, à ce moment-là, c'est ma formation politique qui a payé. Ça, ça nous regarde.»

Le Devoir a rapporté qu'Union Montréal avait remboursé le maire en 2005 lorsqu'il a changé ses lunettes. «J'ai tellement honte, honnêtement, qu'on s'attaque à une paire de lunettes!» a dit le maire. La Presse a voulu savoir pourquoi M. Tremblay n'avait pas acheté lui-même ses lunettes. «Ça, ça ne vous regarde pas, a-t-il dit. Si les seuls arguments que vous avez pour une campagne électorale, c'est de parler d'un remboursement de lunettes alors que cela fait huit ans que je contribue à la Ville de Montréal... Je n'ai jamais pris un per diem. Je n'ai jamais dépensé un sou. Ce n'est pas la Ville de Montréal qui a payé mes lunettes, c'est ma formation politique.»

Joint hier, un ex-membre d'Union Montréal a raconté à La Presse pourquoi, selon lui, Le Devoir a eu raison de publier la nouvelle. Il estime que ces dépenses, pour anodines qu'elles puissent paraître, reflètent une façon de faire.

«L'agent officiel d'Union Montréal m'avait dit que les journalistes riaient des lunettes du maire et donc que le parti les lui avait payées, a dit l'ex-membre. Quand le maire vous dit que ça ne vous regarde pas, il se trompe. Son parti est financé par les citoyens montréalais et en plus, il reçoit, comme les autres partis, de l'argent de la Ville pour fonctionner.»

Au 31 décembre de chaque année, le greffier de Montréal vérifie le nombre d'élus des partis politiques et planifie le versement d'une somme qui en dépend. En vertu de la Charte de la Ville, une deuxième somme est donnée en fonction du nombre de votes obtenus par les élus du parti. Les partis peuvent toutefois dépenser leur argent comme bon leur semble. Ils doivent toutefois en référer au Directeur général des élections du Québec (DGEQ).

Toutes les dépenses d'Union Montréal pour le maire doivent figurer au rapport financier du parti, a dit à La Presse Cynthia Gagnon, porte-parole du DGEQ. «Mais elles peuvent figurer sur une rubrique plus générale, dit-elle. Par exemple, pour le billet d'avion, la dépense sera dans le budget déplacement, administration ou autres. Pour tout ce qui y figure, ce n'est pas quelque chose qui est de notre ressort. C'est d'un ressort éthique, peut-être; mais du point de vue de la loi, le parti peut faire ces dépenses-là.»

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, était choqué de l'histoire révélée par Le Devoir. «Au temps de l'Ancien Régime, le comte ou la baronne consentait une ou deux fois par année à lancer des friandises à la populace, dit-il. Cette tradition a ensuite été reprise par les nouveaux maîtres de l'industrie, ce que Claude Jutra a cruellement illustré dans le film Mon oncle Antoine. Aujourd'hui, c'est au tour de «mon oncle Gérald» de renouveler le genre. Puisque sa formation politique Union Montréal a géré la Ville comme s'il s'était agi de sa propriété personnelle, il n'y a finalement rien là de très surprenant.»