La Ville de Montréal a connu son lot de scandales au cours des derniers mois. Le plus récent cas: le voyage en Italie fait en 2008 par le directeur de la Réalisation des travaux de la Ville de Montréal, Robert Marcil, à l'invitation du président de Construction Garnier, Joe Borsellino. Le directeur général de la Ville, Claude Léger, a accepté d'aborder cette épineuse question avec La Presse. Dans la deuxième partie de cet entretien, il explique comment les enquêtes internes fonctionnent à l'hôtel de ville et révèle que Montréal a demandé à Québec de durcir la Loi sur les cités et villes pour responsabiliser les entreprises en matière d'éthique.

Q.Que pensez-vous de la demande de Louise Harel de faire mener une enquête par la Commission municipale du Québec sur les processus d'attribution de contrats?

R.Je pense que les règles qui encadrent le municipal sont assez claires. On ne peut pas donner de contrats de gré à gré quand ils sont de plus de 25 000$. On ne peut pas faire grand-chose avec 25 000$. Entre 25 000$ et 100 000$, il faut procéder par appel d'offres sur invitation avec au moins trois soumissionnaires. Au-delà de 100 000$, on fonctionne avec des soumissions publiques. Les règles sont là. L'important est de détecter les personnes qui veulent les détourner à leur profit. Quand il y a des articles qui sont publiés comme ceux de cette semaine, des articles factuels, ça fait mal aux employés mais ça augmente aussi leur détermination à ce qu'on détecte des individus malveillants.

Q.Il y a une partie qui vous échappe...

R. Effectivement, c'est tout le milieu de la construction. Et là, je fais confiance aux services policiers. Est-ce qu'il y a des enquêtes? Est-ce qu'il y a des choses qui se passent de ce côté-là? On sait que ça existe depuis longtemps. Nous, on déploie des énergies pour améliorer la transparence, imposer des sanctions rigoureuses et donner l'exemple. Mais on compte sur la police pour faire un certain travail à l'extérieur.

Q.Mais le traitement des appels d'offres et le paiement des entreprises après les travaux se font-ils de façon adéquate ou la Ville peut-elle faire mieux pour éviter les dépassements de coûts?

R.Une clé importante pour détecter les symptômes de collusion, c'est l'estimation du coût des travaux. Depuis que je suis arrivé, je mets l'accent là-dessus parce que lorsque vous avez une soumission, 15 preneurs de cahiers, quatre soumissionnaires et que vous êtes 30% au-dessus du prix budgété par la Ville, il y a peut-être un problème. Là, nos signaux d'alarme s'allument. Dans ce cas, peut-être qu'on a mal évalué le travail ou la concurrence n'a pas eu l'effet qu'elle aurait dû avoir. À ce moment-là, on recommande de ne pas attribuer le contrat.

Q.Lorsque la Ville a accordé le contrat, limite-t-elle bien les dépassements de coûts?

R. Il y a une étape à laquelle on doit s'assurer que la concurrence a joué et que la Ville a le juste prix pour les travaux commandés. Après, dans la gestion du projet, il y a un élément important, soit les directives de changement. Un propriétaire peut demander un changement. Les conditions du chantier peuvent nécessiter un changement à cause d'un imprévu. Je mets l'accent sur ce processus de contrôle.

C'est sûr que si votre personne sur le chantier est de mèche avec l'entrepreneur, elle risque d'autoriser une demande qui sera insérée dans les directives de changement et là, ça se retrouve dans l'appareil administratif pour se refléter sur le paiement.

Depuis plus d'un an, on travaille pour bien examiner ce genre de situation. Des analystes posent des questions, bloquent le dossier, etc. Quand il est soumis au conseil, c'est qu'on n'a pas détecté d'irrégularités. Je ne dis pas qu'on ne s'en fait pas passer. On va continuer à travailler pour peaufiner la procédure.

Q.Quand un fonctionnaire passe des vacances avec des entrepreneurs, est-ce que cela suscite de la suspicion ou la Ville continue de faire affaire avec ces entreprises?

R.Ça fait un moment qu'on examine cette question. Avec la Loi sur les cités et villes, quand on attribue un contrat au plus bas soumissionnaire, on ne peut l'exclure sur la base de sa conduite antérieure. On veut parler de ça au gouvernement du Québec. Le temps est propice. Est-ce qu'il n'y a pas lieu d'améliorer la loi afin de donner le pouvoir aux villes d'exclure des soumissionnaires qui auraient, par exemple, été reconnus coupables de corruption, de collusion? En avril, on a introduit une nouvelle clause pour améliorer la transparence sur les contrats. On est la seule ville à le faire. On l'a appelée la clause bandit. Si un entrepreneur est reconnu coupable par un tribunal de corruption, on peut résilier le contrat et l'exclure des contrats de la Ville pour cinq ans.

Q.Quelle sera la portée réelle de cette clause?

R.Elle a été signifiée en juin à l'ensemble des arrondissements et des services municipaux de Montréal pour qu'elle soit comprise dès ce mois d'août dans tous les devis et appels d'offres. On écrit aussi à tous les fournisseurs pour les informer du contenu du guide de déontologie des fonctionnaires et de leurs obligations à ce titre. Mais on voudrait que Québec nous permette d'agir si un fournisseur a enfreint une des dispositions de ce guide de déontologie. On n'a pas encore ce pouvoir. On l'a seulement si le fournisseur a été reconnu coupable par un tribunal.