L'ex-juge de la Commission d'enquête sur le programme des commandites, John Gomery, se joint au parti Projet Montréal et à Richard Bergeron pour essayer d'«assainir la politique municipale montréalaise». M. Gomery et M. Bergeron ont annoncé la nouvelle officiellement ce matin.

M. Gomery, qui a fêté ses 77 ans hier, présidera la campagne de financement de Projet Montréal. Pas à titre honorifique. Il veut faire la promotion d'une façon «propre» de faire de la politique. «Pendant l'enquête sur les commandites, j'ai vu un exemple de situation qui a corrompu un parti politique, dit-il. J'étais sensibilisé par cette expérience du danger de ne pas surveiller efficacement le financement des partis. Cette élection est très importante pour Montréal. J'ai passé toute ma vie dans cette ville, mais je suis inquiet et troublé. Montréal est en déclin. L'intégrité semble en danger.»

«Pour amasser des fonds en politique, on contracte des dettes auprès de personnes qui s'attendent à recevoir des contreparties, ajoute Richard Bergeron. Il faut trouver le moyen de faire de la politique autrement. On n'a jamais autant parlé d'éthique que depuis le printemps et, pourtant, on ne parle jamais du mode de financement des partis.»

Avec John Gomery et Jacques Boucher, ex-avocat et agent officiel de Projet Montréal, Richard Bergeron espère convaincre les Montréalais que, en 2009, le nerf de la guerre n'est pas l'abondance d'argent pour faire de grandes campagnes politiques à la télévision, mais la transparence, «c'est-à-dire de savoir qui donne vraiment de l'argent aux partis».

M. Bergeron et M. Gomery disent avoir été écoeurés par les affaires de corruption, de favoritisme, d'abus de confiance, de conflits d'intérêts qui ont été divulguées dans les médias montréalais depuis deux ans et qui ont entraîné des enquêtes de la police et du Vérificateur général. Ils estiment que les règles du financement des partis doivent changer.

Le fait que l'on n'apprenne que le 1er avril de l'année suivante qui a donné aux partis ne les satisfait pas. Les citoyens montréalais seront appelés à voter le 1er novembre sans savoir qui aura donné de l'argent à Union Montréal (le parti du maire Gérald Tremblay) et à Vision Montréal (celui de Louise Harel). Mais pour Projet Montréal, ça ne se passera pas comme ça.

Ce parti va adopter cinq mesures. Il s'engage à inscrire sur son site internet le nom des personnes qui donneront plus de 100$ dans les 48 heures suivant la réception du don, ce qui n'existe nulle part au Québec. Pour tout don de 250$ à 1000$, l'agent officiel du parti fera une recherche sur le donateur «pour s'assurer qu'il s'agit d'un don totalement désintéressé».

En effet, comme les entreprises ne peuvent pas donner elles-mêmes de l'argent, elles le font parfois par le truchement de particuliers. En cas de doute, dit M. Bergeron, le chèque sera renvoyé au donateur.

Projet Montréal s'engage aussi à ne pas tenir d'activités de financement dont le coût de participation dépassera 100$ et délivrera un reçu pour toute contribution de plus de 25$. Actuellement, un parti peut recueillir jusqu'à 20% du total de ses revenus en contributions anonymes, ce qui fait que des entreprises donnent discrètement de l'argent sans en avoir le droit.

Enfin, même si le Directeur général des élections fixe à plus de 1 million le plafond des dépenses électorales des partis, Projet Montréal s'engage à ne pas accepter ni dépenser plus de 500 000$. «Quand la somme sera atteinte, nous le ferons savoir publiquement et les autres sommes seront renvoyées aux donateurs», dit M. Bergeron, qui compte être très présent sur l'internet, «car c'est gratuit».

D'où vient cette idée de faire du financement politique autrement? «Il faut être franc, c'est Louise Harel qui a soulevé cette idée lors du 5e Sommet citoyen de Montréal, en juin, dit M. Bergeron. J'ai décidé de l'appliquer. On souhaite que tous les partis adoptent ces mesures.»

Selon Jacques Boucher, on doit promouvoir l'intégrité. «Les gens disent "Oh, ça a toujours été comme ça" ou "Bof, ce n'est pas si grave". Mais il y a un prix à payer et ce sont eux qui le paient, dit-il. Le manque d'intégrité coûte cher en qualité d'asphalte, en qualité de service et en passe-droits divers. Quand le cynisme s'installe, les requins prennent la place. La mauvaise monnaie chasse la bonne. Il y a alors moins de personnes intègres à l'avant-scène. Elles investissent ailleurs et, du coup, la politique manque d'esprit, d'imagination, de progrès, les scandales se succèdent et les gens ne votent plus. L'arrivée de M. Gomery est une très bonne nouvelle.»

La fille de John Gomery, Cym, est candidate de Projet Montréal dans le district de Loyola, dans Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce.