Sanam n'a pas voté vendredi aux élections présidentielles iraniennes. Elle était convaincue que son geste serait inutile parce que, se disait-elle, le candidat de son choix, le réformateur Mir Hossein Moussavi, obtiendrait assez d'appuis pour forcer la tenue d'un deuxième tour le 19 juin.

Le choc a été terrible hier matin quand elle a appris la victoire haut la main du président sortant, Mahmoud Ahmadinejad. Comme plusieurs Iraniens rencontrés hier par La Presse, elle crie à la fraude.

«Je savais qu'il y aurait des irrégularités, mais pas à ce point-là! On a vu les images à la télévision de ces millions de gens qui allaient voter pour Moussavi. Où sont passés leurs votes? On essaie de nous faire croire qu'ils se sont miraculeusement transformés en appuis pour Ahmadinejad? N'importe quoi!» lance la jeune femme, qui préfère taire son patronyme pour éviter les ennuis avec les autorités iraniennes.

Rouzbeh Maleki partage la colère de Sanam. Il était en Iran, il y a un mois, alors que la campagne présidentielle battait son plein. «Personne ne parlait d'Ahmadinejad. Les gens n'en avaient que pour Moussavi, et vendredi, les sondages à la sortie des urnes lui donnaient un appui très fort. Personne ne doit croire les chiffres officiels. On nous ment», affirme le jeune homme, responsable d'un site Internet destiné à promouvoir la culture iranienne à Montréal.

«C'est la preuve que ce gouvernement corrompu ne laissera jamais le peuple avoir le droit de parole. Il manipule tout», estime Hassan Rajaei, déçu mais nullement surpris de la tournure des événements. «Aussi longtemps que l'ayatollah Ali Khameini sera en place, rien ne changera. Il a le pouvoir de tout décider dans ce pays. Cette élection, ce n'était rien de plus qu'une pièce de théâtre», approuve Siavash Saberi.

Ne pas sauter aux conclusions

Rencontré au supermarché iranien Akhavan, rue Sherbrooke Ouest, Ali Tavakolrastani fait entendre un autre son de cloche. «Tant qu'on ne nous aura pas fait la preuve qu'il y a eu fraude, il ne faut pas sauter aux conclusions», soutient-il.

Contrairement à la plupart des Iraniens interrogés hier, il croit que ses compatriotes devraient se réjouir du résultat du scrutin. «Les gens ont voté librement, et la technologie en place était adéquate pour contrer la falsification», affirme-t-il. Mieux: le résultat est d'autant plus valable que le taux de participation a été des plus élevés, à 85%.

Mais Abbas, 32 ans, ne croit pas que les jeunes Iraniens seront du même avis. Il craint que les prochains jours ne soient sanglants dans son pays natal. «Ils n'accepteront pas le résultat et les autorités vont répliquer s'ils protestent.»