La grogne s'accentue envers la Société du parc Jean-Drapeau, qui veut chasser les cyclistes de performance de leur lieu d'entraînement: la piste du circuit Gilles-Villeneuve. Pour la médaillée paralympique Chantal Petitclerc, qui s'y entraîne chaque jour, cela équivaut à une nouvelle gifle donnée aux athlètes de haut niveau.

De plus, le projet du parc Jean-Drapeau de déplacer ces sportifs autour du bassin olympique semble mort dans l'oeuf. La «solution n'est pas intéressante ni pour les cyclistes ni pour les utilisateurs du bassin (kayak, aviron, bateau-dragon)», a reconnu sa porte-parole, Nathalie Lessard, hier.

 

La coureuse en fauteuil roulant Chantal Petitclerc digère mal la décision de la Société du parc Jean-Drapeau. «Au Québec, les athlètes de haute performance se font trop souvent tasser au profit des sportifs récréatifs. Pis après ça, on nous demande de rapporter des médailles», a dit à La Presse la quintuple médaillée d'or des derniers Jeux paralympiques de Pékin.

Même son de cloche du côté de l'équipe canadienne de patinage de vitesse courte piste, qui y organisait à l'occasion des entraînements hors glace, en vélo ou en patin à roulettes. «C'est dommage. On appréciait beaucoup le circuit. C'est le seul endroit à Montréal où l'on peut maintenir une vitesse de pointe. Dans le réseau de pistes cyclables, c'est trop dangereux pour le public et pour nos athlètes», a ajouté le directeur du programme courte piste, Yves Hamelin.

Exemple de cohabitation

Aux yeux de Chantal Petitclerc, la cohabitation serait possible sur le circuit Gilles-Villeneuve s'il y avait une volonté des autorités. L'athlète donne l'exemple de Sydney en Australie. Elle s'entraîne depuis deux hivers au stade olympique de cette ville sur une boucle fermée de 5 km qui ressemble beaucoup au circuit mont-réalais, indique-t-elle. Une voie est réservée aux automobilistes et l'autre, aux cyclistes. Toutefois, tôt le matin, une plage horaire est réservée aux athlètes de haute performance. Puis, à partir de 10h, le public a accès à la piste.

Cette suggestion est balayée d'un revers de main par la Société du parc Jean-Drapeau. «Si on réserve le circuit Gilles-Villeneuve à des usages précis, ça veut dire que l'accès est pratiquement fermé à l'île Notre-Dame. C'est un parc public. On ne peut pas fermer le parc quelques heures par semaine pour que les cyclistes viennent faire du vélo», a expliqué sa porte-parole, Mme Lessard. Les cyclistes de performance représentent seulement 200, 300 ou 400 usagers du circuit sur les centaines de milliers de visiteurs chaque année, plaide-t-elle.

Cet argument n'ébranle pas la coureuse en fauteuil roulant. «Même si la clientèle de haute performance est moins nombreuse que la clientèle familiale, c'est important de donner une place aux athlètes», avance Mme Petitclerc.

La Société a commencé à installer des chicanes le long du circuit, hier, pour décourager les cyclistes de rouler vite (au-dessus de 30 km/h). Il y a eu 27 accidents impliquant des cyclistes l'an dernier, a indiqué Mme Lessard pour expliquer cette décision. Toutefois, la Société n'a pu fournir à La Presse, hier, le détail de ces accidents. «Ça va du genou éraflé à la sortie du circuit en ambulance», a-t-elle dit.

Pétition

De son côté, la Fédération québécoise des sports cyclistes est «choquée» de ne pas avoir été consultée. «Cette politique est incohérente. Montréal est l'hôte de compétitions internationales comme l'épreuve de la Coupe du monde féminine sur le mont Royal. Mais en même temps, la Ville n'offre aucun endroit approprié aux cyclistes pour s'entraîner», s'indigne son directeur général, Louis Barbeau. Une pétition en ligne a été créée sur le site www.velocgv.com pour dénoncer cette décision. Cette pétition a récolté quelque 1000 signatures depuis samedi, dont 400 dans la seule journée d'hier.

Les principaux utilisateurs du bassin olympique - où la Société du parc Jean-Drapeau a annoncé vouloir déplacer les cyclosportifs - n'ont pas été consultés non plus. En raison de la configuration de la piste cyclable aménagée autour du bassin, les accidents seront inévitables entre les usagers qui mettent leurs embarcations à l'eau et les cyclistes, croit le président du Club d'aviron de Montréal, Marc-Antoine Desjardins. «On habille Luc pour déshabiller Pierre», ajoute celui qui a rencontré les représentants du parc Jean-Drapeau lundi pour leur faire part de ses doléances.

De toute façon, les cyclistes ne veulent pas être déplacés à cet endroit, puisque la piste du bassin n'est pas propice à un entraînement à haute vitesse, selon Louis Barbeau.

«On ne peut pas offrir les installations qu'on n'a pas. Si la solution alternative du bassin ne fonctionne pas, on n'en a plus d'autres», répond la porte-parole de la Société du parc Jean-Drapeau.