Les médias anglophones ont accueilli la candidature de Louise Harel à la mairie de Montréal avec une brique et un fanal, hier. Mais l'ancienne ministre péquiste n'a pas que des ennemis chez les Anglo-Québécois.

En éditorial, le quotidien The Gazette qualifie d'»effrayante» la perspective de voir Louise Harel devenir mairesse de Montréal. Faisant allusion à son quasi-unilinguisme et au rôle qu'elle a joué dans les fusions municipales, le journal affirme ne pas pouvoir imaginer de candidature «plus nocive et divisive». Et il ajoute qu'exception faite de Mme Harel, «seul Mom Boucher fait aussi bien paraître le maire Gérald Tremblay».

La principale intéressée s'est montrée choquée par la comparaison avec l'ancien chef des Hells Angels. Mais elle a réagi à ce déchaînement d'épithètes avec une phrase laconique: «Vous savez, trop fort casse», laissant entendre que ces commentaires virulents finiraient par s'essouffler.

D'ailleurs, des voix discordantes s'élevaient déjà hier dans la communauté anglophone pour souligner les retombées positives de la candidature de Mme Harel.

«Louise Harel est d'une honnêteté inébranlable, c'est une idéaliste dévouée à la notion de la justice sociale», se réjouit l'avocat Julius Grey. Il souligne que plusieurs de ses amis sont «dégoûtés» de l'administration montréalaise actuelle et sont plutôt contents de constater que le maire sortant fera face à une forte compétition lors des élections de novembre.

La candidature de Louise Harel est «très, très intéressante», applaudit Robert Keaton, ancien chef d'Alliance Québec, le groupe qui a longtemps représenté les intérêts politiques des Anglo-Québécois.

«Louise Harel connaît bien le gouvernement, elle apporte des atouts incroyables», ajoute-t-il. Alors que les critiques de Mme Harel lui reprochent des fusions municipales «antidémocratiques», M. Keaton souligne qu'au contraire, en faisant le saut vers la mairie, elle crée un nouvel intérêt pour la politique municipale. «Plus de gens vont aller voter, c'est bon pour la démocratie», dit-il.

Même chez les «anglos» de l'Ouest-de-l'Île on trouve des voix favorables à Mme Harel. «Ça va être le fun, ça va faire toute une élection», se réjouit Bill Tierney, maire de Sainte-Anne-de-Bellevue. Il ne se gêne pas pour chanter les louanges de la nouvelle adversaire du maire Tremblay. «Elle est très intelligente, elle sait comment utiliser la démocratie pour imposer ses idées, je l'admire beaucoup», dit-il.

Mais en même temps, il est réaliste : «Je crains que les choses ne soient plus difficiles pour Mme Harel que ce qu'elle pense, elle fera face à des résistances», prévoit-il.

Les fusions? C'est du passé

Mais sa responsabilité dans le dossier des fusions municipales, alors ? «Les fusions, c'était une erreur, mais ça fait partie du passé», dit Julius Grey qui avait, à l'époque, défendu les villes «défusionnistes».

Aujourd'hui, Louise Harel a raison de vouloir reprendre un peu les rênes des arrondissements, estime-t-il. Robert Keaton croit même que Louise Harel est la mieux placée pour rendre Montréal un peu plus gouvernable. «Elle a l'expérience de cette réforme, elle peut la corriger», espère-t-il.

Et puis, avantage non négligeable aux yeux de M. Keaton, Montréal aurait une chance d'élire une première femme à la mairie.

Ces voix nuancent les réactions, majoritairement négatives, que l'on peut lire et entendre dans les médias anglophones de Montréal. Mais elles sont à prendre avec une certaine circonspection, estime Jack Jedwab, directeur de l'Association pour les études canadiennes à Montréal.

Selon ce spécialiste de l'opinion publique, le courant dominant chez les Anglo-Montréalais est loin de favoriser Mme Harel. «De façon générale, sa candidature est perçue très négativement», dit-il.

Lui-même ne se gêne pas pour en rajouter. Non, il n'est pas normal qu'une grande ville nord-américaine comme Montréal soit dirigée par une francophone unilingue. Pas seulement à cause des 40 % d'anglophones et allophones qui y vivent - et qui sont en grande majorité bilingues. Mais aussi à cause de l'ouverture au monde qui vient avec la connaissance de cette langue internationale.

Et puis, il y autre chose. La candidate souverainiste risque de «polariser les Montréalais, tant sur le plan linguistique que constitutionnel», craint Jack Jedwab. Les commentaires virulents qui ont accueilli son entrée sur la scène municipale laissent penser que cette polarisation est déjà commencée.