La capitulation des Tigres tamouls dimanche au Sri Lanka a eu l'effet d'une bombe au sein de la communauté tamoule de Montréal. Plusieurs centaines de manifestants ont accueilli avec tristesse et colère la fin du conflit civil qui a fait plus de 70 000 morts et 250 000 réfugiés depuis 1983.

L'émotion était à son comble hier après-midi sur le boulevard René-Lévesque. Des centaines de membres de la diaspora tamoule se sont rassemblés devant le consulat américain pour dénoncer le fait que la Croix-Rouge et les médias étrangers n'avaient pas encore eu accès aux zones de combat.

Noyés dans une marée rouge et jaune de drapeaux des Tigres de libération de l'Eelam tamoul, plusieurs ont versé des larmes. D'autres ont crié au génocide.

«C'est un moment émotif et très difficile pour nous», a expliqué Kalasitty Sittampalam, avant d'éclater en sanglots. «La famille de mon époux est dans la zone la plus durement touchée et nous sommes sans nouvelles depuis plusieurs jours. Je ne parviens plus à me concentrer au travail. Je passe tout mon temps sur l'internet pour connaître les derniers développements.»

Il y a environ 10 700 Québécois d'origine sri lankaise à Montréal. De ce nombre, environ 10 000 sont des Tamouls. Les autres sont des Cinghalais de confession bouddhiste.

Plusieurs Tamouls de la métropole appuient ouvertement l'armée des Tigres tamouls, un mouvement séparatiste armé qui milite pour l'établissement d'un État indépendant dans le nord du pays.

La formation qui figure sur la liste canadienne des organisations terroristes a été renversée dimanche par l'armée du gouvernement qui représente la majorité cinghalaise.

«Les Tigres tamouls étaient notre seule voix», explique Gaya Kathiresu, membre du Comité Action tamoule de Montréal. «Après 60 ans d'abus et d'oppression, nous ne pourrons jamais faire confiance au gouvernement.»

Alors que l'armée du gouvernement proclamait l'assassinat de tous les dirigeants du mouvement rebelle, les Tamouls de Montréal s'inquiétaient d'abord et avant tout du sort de leurs proches. Depuis le mois d'avril, environ 35 000 civils ont fui le nord du pays. Au moins 7000 personnes seraient mortes dans les récents affrontements.

«Pleurer un nouveau mort chaque jour est devenu chose commune dans les familles tamoules de Montréal», déplore Komala Nadarasa, qui a perdu son neveu de 20 ans. «Je m'inquiète surtout pour ma soeur, poursuit-elle. La dernière fois que j'ai eu des nouvelles il y a trois semaines, elle m'a dit qu'il n'y avait plus d'eau ni de nourriture. Je suis indignée que la situation n'ait pas changé. Si la guerre est terminée, pourquoi la population n'a-t-elle pas accès à des soins médicaux et des vivres?»

La majorité des personnes interrogées ont affirmé qu'elles préféraient maintenant que la voie politique soit privilégiée pour sortir de l'impasse la minorité tamoule au Sri Lanka.

«La guerre entre l'armée sri lankaise et l'armée des Tigres a beau être terminée, celle pour ravoir nos droits doit continuer», a conclu Gaya Kathiresu.

Avec la collaboration de Laura-Julie Perreault, AFP et AP