La Ville de Montréal a cessé de poser des sabots de Denver aux mauvais payeurs de contraventions. Motivée par les compressions budgétaires, la décision est dénoncée par les huissiers chargés de poser ces pièces métalliques. Ils préviennent que la municipalité perdra plus d'argent qu'elle n'en économisera.

À la fin du mois de février, la crise économique a obligé la Ville à réduire ses dépenses de 100 millions. La cour municipale, qui embauche des huissiers pour percevoir les contraventions impayées, n'a pas échappé à ces compressions. Elle a dû sabrer son budget de 1,5 million. Résultat: elle suspend la pose des sabots de Denver.

«C'est une mesure temporaire qui vise à économiser sur les honoraires professionnels», résume la porte-parole de la Ville, Valérie De Gagné.

Les autorités décideront en janvier prochain si le programme sera institué de nouveau. D'ici là, elles prévoient économiser 350 000$ en honoraires.

Mais le calcul est contesté par les huissiers de justice. Ils estiment que pour chaque dollar qu'ils coûtent à la Ville, ils rapportent au moins 1,50$ dans ses coffres.

«Ça n'a pas de bon sens», dénonce le président de la Chambre des huissiers de justice du Québec, Louis-Raymond Maranda.

Il souligne que les contrevenants doivent acquitter les honoraires du huissier qui a posé un sabot de Denver - en plus de leurs amendes, bien sûr - avant de recouvrer l'accès à leur véhicule. À peine 8% des cas sont jugés insolvables, et obligent la municipalité à payer les huissiers.

En cessant de recourir aux sabots de Denver, prévient M. Maranda, la Ville risque de se priver de revenus importants. Car des automobilistes, n'ayant plus peur de voir leur voiture saisie, pourraient être tentés de ne pas payer leurs contraventions.

«C'est comme si la Ville disait à tout le monde que la récréation commence: ne payez plus vos contraventions, vous ne vous ferez pas saisir votre véhicule», déplore-t-il.

Mais les autorités ne s'inquiètent pas outre mesure.

«Il y a d'autres moyens pour contraindre les gens à payer leurs contraventions, explique Mme De Gagné. Il y a la suspension du permis de conduire par la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ). C'est une mesure qui effraie beaucoup les citoyens.» Depuis que la SAAQ révoque les permis des mauvais payeurs de contraventions, en 2004, le recours au sabot de Denver a constamment diminué, fait d'ailleurs valoir la porte-parole. La Ville avait immobilisé 5342 véhicules par ce moyen en 2004. L'an dernier, en 2008, le chiffre avait fondu de moitié: 2487.

En 2008, les huissiers embauchés par la Ville ont saisi un total de 2,1 millions aux mauvais payeurs. Mais une partie de ces sommes provient des saisies d'immeubles ou d'ententes à l'amiable. La Ville dit ignorer combien rapportent les sabots de Denver chaque année.

«On ne peut pas avoir l'information», indique Valérie De Gagné.