La mairesse du Plateau-Mont-Royal, Helen Fotopulos, membre du comité exécutif de la Ville de Montréal, a passé une soirée cette année dans la loge de la firme d'ingénierie CIMA+ au Centre Bell. Or, le comité exécutif a recommandé d'octroyer, ces dernières années, des contrats totalisant plusieurs millions de dollars à CIMA+. La firme reconnaît avoir invité d'autres élus et fonctionnaires dans sa loge. Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a toujours refusé ces invitations, nous a indiqué le président de CIMA+, Kazimir Olechnowicz.

Mme Fotopulos n'aime pas le hockey plus que ça. Elle le dit elle-même. Mais elle a quand même accepté l'invitation de M. Olechnowicz de se rendre dans la loge de CIMA+, récemment, pour assister à un match du Canadien de Montréal. C'est lui qui l'a invitée, a-t-elle affirmé, mais elle ne se souvient pas quand.

«C'était la firme de génie-conseil responsable de la surveillance des travaux sur le boulevard Saint-Laurent», a-t-elle dit.

Était-ce la première fois que vous étiez invitée par une firme avec laquelle la Ville est en contrat? a demandé La Presse. «À ma connaissance, oui», a répondu Mme Fotopulos.

D'un point de vue éthique, trouvez-vous normal d'accepter une telle invitation de CIMA+? «Je ne sais pas s'ils ont des contrats maintenant mais j'ai accepté, comme d'autres personnes acceptent, a-t-elle répondu. Vous savez très bien qu'il y a des gens qui acceptent, qui ont été invités à des matchs de hockey et donc j'ai accepté d'y aller ce soir-là. Il y a des matchs de hockey pour certains et il y a des pique-niques pour d'autres.»

Le comité exécutif a octroyé en janvier un contrat de 130 680$ à CIMA+ pour la préparation de plans et de devis et la surveillance de travaux dans Saint-Laurent. Quand la Ville a lancé sa saison des chantiers en mars, 17 contrats d'un total de 39 millions ont été attribués. L'un d'entre eux, de 2 millions, était pour CIMA+.

Associé à SNC Lavalin, CIMA+ a aussi obtenu un contrat de la Ville de 1,2 million ce printemps pour les calculs hydrauliques et de modélisation du ruissellement des réseaux d'eau. En 2006, la Ville a accordé des contrats de réfection routière pour plus de 23 millions. CIMA+, associée à SNC-Lavalin, en avait obtenu un. CIMA+ s'occupe aussi d'une partie des travaux d'entretien de l'échangeur Turcot.

Hier, le conseiller du Plateau Michel Labrecque a dit à La Presse qu'il n'était pas au courant que la mairesse était allée dans la loge de CIMA+. Il a soutenu qu'il n'aurait pas accepté une telle invitation.

Quant au chef de l'opposition, Benoit Labonté, il estime que Mme Fotopulos aurait du s'abstenir. M. Labonté est déjà allé au Centre Bell dans la loge de la compagnie Busac, mais il a précisé qu'il était alors «indépendant», invité avec d'autres, et qu'il n'avait aucun intérêt commun avec Busac. «Mais quand on est membre du comité exécutif et qu'on accorde des contrats, on doit s'abstenir», a-t-il souligné.

Le président de CIMA+ a indiqué à La Presse, hier, que le maire Tremblay a été plusieurs fois invité à venir dans cette loge. «Il a toujours refusé.» M. Olechnowicz a ajouté que, comme de nombreux gens d'affaires, d'autres élus et fonctionnaires sont venus. Frank Zampino? «C'est possible. Il faudrait que je vérifie», a répondu M. Olechnowicz, ajoutant qu'il y a une centaine d'associés chez CIMA+ et qu'il ne vérifie pas qui invite qui.

Parmi ces associés, au moins quatre ont donné de l'argent en 2008 au parti Union Montréal de Gérald Tremblay: Claude Collerette, Alain Gonthier, Geneviève Lefebvre et Jacques Dumas ont donné 1000$ chacun.

Le président de CIMA+ ne voit pas de problème à ce que des élus ou des fonctionnaires viennent dans sa loge. «Ce n'est quand même pas deux semaines en Europe ou dans le Sud, a-t-il dit. Si j'achète un client avec un billet de hockey, alors on a un problème au Québec. S'il y a, un jour, une directive qui dit qu'on ne doit pas les inviter, je m'y plierai.»

Yves Boisvert, professeur en éthique et gouvernance à l'École nationale d'administration publique, a souligné que ce cas est une «situation de potentiel de conflit d'intérêts» et que Mme Fotopulos n'aurait pas dû se placer dans cette situation. «Il n'y a pas de démonstration possible de la corrélation d'influence», explique-t-il cependant.

Le code d'éthique temporaire adopté récemment par le conseil municipal n'aurait pas empêché la mairesse d'aller dans la loge de CIMA+. «Car il n'a pas force de loi, c'est un code d'honneur et une invitation à la prudence», a dit hier soir le porte-parole du comité exécutif, Bernard Larin.