C'est peut-être un signe que la crise du logement se résorbe à Montréal: la discrimination à l'égard des locataires issus des minorités visibles semble en baisse.

Le nombre de plaintes reçues par la Commission des droits de la personne a chuté de moitié depuis 2001, au plus fort de la crise, selon des chiffres obtenus par La Presse.

Le nombre de plaintes liées à la race, à la couleur ou à l'origine ethnique des locataires québécois est passé de 36 en 2001-2002 à 17 en 2007-2008. Pendant la même période, le taux d'inoccupation des logements est passé de 0,6% à 2,4% dans la grande région montréalaise, où se concentrent la majorité des immigrants.

D'autres facteurs peuvent expliquer la diminution du nombre de plaintes à la Commission. Mais sur le terrain, on le constate: «Quand le taux d'inoccupation augmente, les cas de discrimination diminuent», dit Mazen Houdeib, directeur du Regroupement des organisations du Montréal ethnique pour le logement (ROMEL). «Les propriétaires ont besoin de louer leur logement.» Il leur est donc plus difficile de laisser leurs préjugés dicter leurs choix.

Il reste que la valeur des loyers demeure élevée à Montréal, et les familles immigrantes sont les premières à en payer le prix. «Le marché reste très difficile dès qu'on parle de logements de deux chambres à coucher et plus», explique Damaris Rose, professeure à l'INRS Urbanisation.

Or, les familles immigrantes ont tendance à avoir de nombreux enfants. «En plus du problème de longue date de la discrimination, il y a beaucoup de propriétaires réticents à louer à de grandes familles, immigrantes ou pas, de peur que les enfants ne causent des dommages ou ne dérangent la vieille dame d'en bas.»

La pénurie a forcé le ROMEL et d'autres organismes à faire une croix sur leurs banques de logements. «Désormais, on répond aux annonces des journaux, comme tout le monde. Dès que les propriétaires entendent un accent, leur appartement n'est plus louable tout à coup», dénonce Juan-José Fernandez, de l'organisme PROMIS.

Le quart des immigrants refusés

Il y a un mois, le maire Gérald Tremblay a proclamé Montréal «zone libre de racisme» et invité les citoyens à signer un registre qui les engage à combattre le racisme et la discrimination dans la ville. Mais il faudra plus que des signatures pour régler un problème encore bien ancré à Montréal, selon les observateurs.

En fait, il est difficile d'obtenir une vue d'ensemble du problème. La plupart des propriétaires n'étalent pas leurs préjugés au grand jour, usant plutôt de prétextes pour refuser un logement à des immigrants, soulignent les chercheurs.

La mesure de discrimination la plus précise est sans doute le testing, qui consiste à embaucher des acteurs issus des minorités visibles pour les lancer à la recherche d'appartements. Bref, à leurrer les propriétaires. «Les chercheurs ne peuvent plus faire ce genre d'exercice pour des raisons d'éthique», dit Maryse Potvin, du Centre d'études ethniques des universités montréalaises. «Désormais, il faut obtenir le consentement écrit des personnes que l'on soumet à une recherche.»

Cela dit, «tous les anciens testings ont démontré qu'environ 25% des personnes issues des minorités visibles sont refusées par les propriétaires, soit au téléphone, à cause du nom ou de l'accent, soit au moment de la visite, ajoute Mme Potvin. Les études en Europe sont assez récentes pour démontrer que c'est encore vrai aujourd'hui.»

À Montréal, le dernier testing remonte à 1988. À l'époque, 24% des acteurs haïtiens s'étaient fait exclure l'accès à un logement mis en location. Un loyer plus élevé a été exigé des Haïtiens dans 7% des logements visités. En fait, toute trace de discrimination était absente dans seulement quatre logements sur dix.

Vingt ans plus tard, le problème est encore criant, selon M. Fernandez. «Trouver un logement, c'est la plus grande difficulté des nouveaux arrivants. Ils dépensent des fortunes dans des hôtels parce que personne ne veut d'eux. Ils peuvent y passer une ou deux semaines facilement, et voir toutes leurs économies s'y envoler.»

Discrimination subtile

En général, la discrimination est subtile. «Parfois, on demande des sommes faramineuses aux immigrants, jusqu'à trois ou quatre mois de loyer à l'avance. C'est carrément illégal. Ou alors, on leur demande d'avoir un garant, alors qu'ils ne connaissent personne ici», dit M. Fernandez.

Certains propriétaires ne se gênent pas pour afficher leurs préjugés. Il y a deux mois, M. Houdeib, du ROMEL, a consulté un contrat signé entre un concierge et un propriétaire. «Dans la politique de location, c'était écrit noir sur blanc: pas de Noirs, pas d'Arabes!»