La lutte contre les graffitis finit par payer. À force de dépenser des millions et de sensibiliser la population à ne pas tolérer de gribouillages sur les murs et les portes de garage, le taux de récidive diminue à Montréal. La Ville investira plus de 3 millions encore cette année à ce titre. Mais le nouveau Monsieur Propreté de la Ville, le conseiller municipal Luis Miranda, n'écarte pas la possibilité d'appliquer un jour la médecine de Vancouver, soit de forcer les citoyens, propriétaires ou entreprises, à faire disparaître eux-mêmes les graffitis de leur propriété.

La saison de nettoyage des graffitis va reprendre à Montréal dans les jours qui viennent. Les arrondissements ont répondu aux soumissions afin d'enlever les graffitis au meilleur prix. Daniel Beaulieu, le président de l'entreprise L'Effaceur, spécialisée dans l'enlèvement de graffitis, estime que l'effort financier que fait l'administration pour rendre la ville plus belle donne des résultats.«Je pense que la quantité de graffitis commence à diminuer, dit-il. Pas parce qu'il y a moins de graffiteurs, mais parce que la Ville, les commerçants et les particuliers se sont organisés. Les prix ont aussi baissé de 300%, un peu à cause de la concurrence, mais aussi de la spécialisation. On efface donc plus de mètres carrés que jamais.»

La Ville confirme que le nombre de graffitis a diminué dans les arrondissements où se concentrent 75% des graffitis de Montréal, soit Ville-Marie, le Plateau-Mont-Royal, le Sud-Ouest et Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce.

«Le taux de récidive a baissé de façon importante dans Ville-Marie, dit le conseiller municipal Joe Magri, adjoint du conseiller Luis Miranda pour le dossier de la propreté à la Ville. Ce taux était de 50% en 2004. Il est maintenant de 15%. Nos efforts ont porté des fruits. On a mis aussi plus d'efforts sur le Plateau où ça a diminué également. Globalement, le nombre de graffitis baisse à Montréal.»

Uniquement dans le Plateau-Mont-Royal, l'arrondissement a nettoyé 24 293 m2 de graffitis l'an dernier. L'équivalent de quatre terrains de football et 27% de plus qu'en 2007. En 2006, Montréal avait dépensé un record pour nettoyer les graffitis: 10 millions. Cette année, on investit 2,2 millions auxquels s'ajoute l'argent dépensé par les arrondissements, soit au total environ 3 millions, dit Luis Miranda.

Certains arrondissements investissent beaucoup, nonobstant ce qu'accorde la ville centre. Ainsi, dans Verdun, le directeur général Gilles Baril affirme que son arrondissement, qui reçoit 15 000$ de la ville centre par an, consacre en fait 250 000$ chaque année à la lutte contre les graffitis. «Quand on n'a plus de fonds, on va chercher l'argent dans les surplus», dit-il.

Élan de civisme

Ces investissements importants s'accompagnent d'un élan de civisme de la part des citoyens. De plus en plus, les Montréalais ne laissent plus les graffitis nouvellement créés sur leur propriété. Et en les enlevant rapidement, le taux de récidive diminue. Les graffiteurs n'aiment pas voir disparaître leur «oeuvre» aussitôt qu'elle est achevée. Ce réflexe de ne pas laisser son quartier se dégrader ne met toutefois pas en danger le travail des entreprises de nettoyage, dit M. Beaulieu.

«Un jour, probablement, la Ville va obliger les gens à nettoyer eux-mêmes leurs graffitis, estime-t-il. Ça donnera plus de travail aux compagnies comme la mienne.»

Selon M. Beaulieu, certains arrondissements ont connu de bons résultats. «Il y a cinq ou six ans, l'arrondissement où il y avait le plus de graffitis par habitant, c'était LaSalle, et cela coûtait une fortune aux dirigeants, dit-il. Dès qu'ils ont lancé un appel d'offres, cela a changé la donne: maintenant c'est bien organisé et on n'est pas loin de la perfection», dit-il.

Depuis que le nettoyage des bâtiments publics réalisé par l'unité graffiti de la Ville, installée dans Côte-des-Neiges, a été décentralisé, les arrondissements ont plus de responsabilités. Certains, comme Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Ville-Marie ou Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, ne font pas le travail eux-mêmes. Ils versent l'argent à un organisme à but non lucratif qui procède au nettoyage ou le confie à des entreprises. Cette façon de faire assure-t-elle que le travail soit fait au meilleur prix et qu'on attribue le maximum d'argent à l'atteinte de l'objectif visé, soit d'effacer les graffitis?

La Presse a posé la question à Ré Jean Séguin, directeur du CDU du Faubourg Saint-Laurent, l'organisme qui gère la lutte contre les graffitis dans Ville-Marie. L'an dernier, l'arrondissement lui a donné 340 000$. Les entreprises ont obtenu pour environ 200 000$ de contrats. M. Séguin dit que le reste a été utilisé pour des «frais d'exploitation».

«On n'envoie pas les soumissionnaires dans le champ, dit-il. On a deux personnes sur le terrain qui prennent des photos et fournissent les adresses où se trouvent les graffitis. Depuis cinq ans, on a démontré que notre méthode est la meilleure. L'an dernier, on a enlevé 25 000 m2 de graffitis.»

Dans Ville-Marie, M. Séguin note aussi une amélioration de la situation. «Avec 150 000$, on allait enlever les graffitis jusqu'à l'avenue Papineau, précise-t-il. L'an passé, avec 340 000$, on a dépassé la rue Frontenac et on ne laisse plus tomber les quartiers.»

Dans Villeray-Saint-Michel-Parc Extension, on dépense environ 60 000$ par an depuis quatre ans pour la lutte contre les graffitis, dit la mairesse Anie Samson. Même si ce sera difficile cette année, l'arrondissement ne baissera pas cette somme. «Ce serait se tirer dans le pied, dit-elle, car grâce à nos interventions régulières, le taux de récidive diminue.»

Lutte contre les graffitis

À Montréal, on peut rapporter tout nouveau graffiti en téléphonant au 514-280-2222 et pour toute récidive au 514-872-3744.

Il y a aussi une adresse courriel: graffitipm@ville.montreal.qc.ca

Dans le Plateau-Mont-Royal, l'administration suggère aux citoyens de l'aider à contrer le phénomène des graffitis en appliquant deux astuces: protéger les murs en installant des clôtures, des arbustes ou des vignes, et installer un éclairage avec détecteur de mouvement.