La reconstruction des quatre échangeurs qui composent le «Complexe Turcot», dans le sud-ouest de Montréal, va durer plus de sept ans, et coûtera environ 1,5 milliard, selon l'étude d'impact environnemental du projet, rendue publique hier par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

La publication de l'imposante étude de 435 pages a officiellement lancé le début du processus d'évaluation environnementale de ce projet, et un débat public qui s'annonce déjà très orageux sur la présence de l'automobile et l'avenir des grandes autoroutes de la métropole.

 

Le projet du MTQ consiste à reconstruire les quatre échangeurs routiers qui relient les autoroutes Décarie (A-15), Ville-Marie (A-720), et Jean-Lesage (A-20), dans le sud-ouest de Montréal. Le chantier s'étendra sur sept kilomètres de distance, dans l'axe des autoroutes 20 et 720, et sur trois kilomètres, dans l'axe de l'A-15. Il s'agira d'un des plus grands chantiers d'infrastructures à Montréal depuis les Jeux olympiques de 1976.

Les grands piliers de béton et les bretelles surélevées de l'échangeur ne seront plus qu'un mauvais souvenir. Les 25 voies de circulation de cet immense carrefour seront réaménagées sur des remblais, plus près du sol. Selon le MTQ, les deux tiers des structures surélevées disparaîtront du paysage.

Déception

Ce projet du ministère des Transports du Québec, qui sera réalisé dans le cadre d'un partenariat public-privé, a aussitôt été dénoncé comme «une solution totalement dépassée» par un groupe écologiste, et comme une «déception» par une coalition de groupes sociocommunautaires du Sud-Ouest, où la majorité des travaux seront réalisés.

La porte-parole de la coalition Mobilisation-Turcot, Geneviève Locas, a déploré que le projet de reconstruction n'ait pas été modifié de façon importante depuis sa première présentation publique, il y a deux ans, et ce, malgré plusieurs consultations préalables menées par le ministère avec les élus municipaux et les organismes sociaux, économiques et communautaires des secteurs concernés.

«Les expropriations sont aussi nombreuses qu'il y a deux ans, affirme Mme Locas. Le MTQ ne fait preuve d'aucun effort d'intégration urbaine, et il n'a pas de projet précis pour les transports en commun. Et avec la construction de remblais, l'enclavement des quartiers demeure inquiétant. C'est une grosse déception pour nous.»

Le projet, qui a récemment fait l'objet de dures critiques par un conseiller municipal d'arrondissement dans un quotidien de la métropole, risque aussi de déplaire à l'administration du maire Gérald Tremblay, qui n'est pas entichée du concept proposé.

Dans une lettre adressée en novembre à la ministre des Transports, Julie Boulet, le maire Tremblay affirmait que «plusieurs préoccupations fondamentales exprimées par les élus municipaux et les citoyens n'ont pas été prises en compte par le ministère des Transports du Québec».

Le maire de Montréal demandait également à la ministre que le projet ne «soit pas conçu uniquement comme un corridor routier mais comme un véritable projet urbain intégré à son milieu».

En plein quartier résidentiel

Construit en 1967 et inauguré quelques semaines seulement avant l'Expo, l'échangeur Turcot est aujourd'hui en fin de vie utile. Ses grands piliers de béton, qui culminent jusqu'à 30 mètres de hauteur, sont en mauvais état. Le béton sous les voies de circulation surélevées s'émiette depuis des années, forçant le MTQ à installer des grilles pour empêcher les chutes de béton vers le sol. L'an dernier, le ministère a dû dépenser plus de 20 millions seulement en travaux d'entretien, en plus de fermer des voies de circulation durant plusieurs mois consécutifs.

Le nouvel échangeur sera construit plus près du sol. Les hautes bretelles de béton actuelles céderont la place à des remblais, d'une hauteur de deux à six mètres, selon les endroits, sur lesquelles seront aménagées les nouvelles voies de circulation. Cette reconstruction sur remblai permettra de supprimer les deux tiers des 28 structures surélevées qui composent aujourd'hui ce grand spaghetti de béton.

Le projet prévoit que l'autoroute Ville-Marie sera aussi rabaissée, entre la rue Atwater, à hauteur du centre-ville, jusqu'à l'échangeur Turcot. Une partie de l'autoroute 20 sera aussi reconstruite, à l'ouest de l'échangeur. Le MTQ profitera de l'occasion pour déplacer une voie ferrée, qui traverse tout le secteur d'est en ouest, pour la déménager au pied de la falaise Saint-Jacques.

Les impacts environnementaux du mégaprojet seront de plusieurs ordres. Les plus appréhendés par la population locale sont liés à la durée et à l'intensité des travaux de construction qui se dérouleront en grande part dans des secteurs habités.

Pour construire les remblais sur lesquels seront aménagées les nouvelles voies de circulation, le MTQ devra convoyer des centaines de milliers de tonnes de terre et de divers matériaux, dans les quartiers de Saint-Henri et de Côte-Saint-Paul, notamment.

Selon l'étude d'impact, la construction de ces remblais nécessitera environ 1,5 million de mètres cubes de matériaux divers, importés sur le chantier. À titre illustratif, il faudrait plus de 35 000 voyages de gros camions à benne (50 tonnes) pour déplacer un volume équivalent de terre.

Les groupes écologistes et sociocommunautaires locaux s'inquiètent aussi des effets à long terme de cette reconstruction qui entraînera une «légère» augmentation de la circulation automobile et une hausse de la concentration des contaminants dans l'air ambiant.

Coût du projet

1,5 milliard

Durée des travaux

7 ans

Mise en service

2015

Circulation actuelle

280 000

véhicules par jour

Circulation projetée

305 000

véhicules par jour

EXPROPRIATIONS

174 Logements démolis

25 propriétés résidentielles

36 propriétés commerciales

7 propriétés publiques

TOTAL

68 IMMEUBLES ET TERRAINS

VOLUME ESTIMÉ

DES SOLS

DE REMBLAI

1,5 million de mètres cubes ou 37 000 voyages de camion de 50 tonnes

SUPERFICIE

DES OUVRAGES

SURÉLEVÉS

Échangeur actuel

167 000 mètres carrés

Échangeur projeté

55 000 mètres carrés