Deux jours avant Noël, Québec et Montréal avaient annoncé une manne de 24 millions pour les organismes d'aide aux démunis. Trois mois plus tard, les refuges de la métropole n'ont toujours pas reçu un sou, a appris La Presse. Et certains se disent pris à la gorge en raison de ce délai inattendu.

«On court vers un déficit, dénonce Lyne Richer, responsable de la fondation de l'organisme La Rue des femmes, qui vient en aide aux femmes sans-abri. Le prix des denrées a tellement augmenté que notre budget a éclaté.»

Le 23 décembre dernier, le gouvernement provincial avait exaucé une demande de longue date de la Ville et bonifié de neuf millions en trois ans les sommes versées aux organismes d'aide aux personnes défavorisées. Quelque 220 groupes doivent ainsi se partager une somme moyenne de 8 millions par année d'ici à 2011.

Cette enveloppe, annoncée par le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, Sam Hamad, est administrée par la Ville de Montréal. Celle-ci a formé un comité avec l'Agence de santé et des services sociaux, la Direction de la santé publique et Centraide afin de déterminer quels organismes recevront les fonds.

Le délai de trois mois n'a rien d'anormal, assure-t-on à la Ville. Après l'annonce, l'administration municipale a dû s'entendre avec le gouvernement provincial pour établir les modalités du transfert de fonds. Cette entente devait par la suite être approuvée par le comité exécutif, puis par le conseil d'agglomération.

Ce n'est que par la suite que les organismes ont pu soumettre leurs demandes. Ils ont jusqu'à la fin du mois pour s'exécuter. Le comité décidera alors qui obtiendra des fonds.

«Si on accordait de l'argent sans le faire approuver par le conseil d'agglomération, ce serait de la folie, pour nous, explique le porte-parole de la Ville, Martin Tremblay. On ne peut pas faire ça. Et à l'autre bout, jamais Québec ne donnerait de l'argent à Montréal ou à toute autre municipalité sans avoir signé une entente. Le vérificateur général s'en mêlerait et Québec serait blâmé.»

N'empêche, le délai administratif s'ajoute à une attente que Lyne Richer juge beaucoup trop longue. L'année financière de La Rue des femmes se termine le 31 mars, explique-t-elle. Comme elle n'aura pas reçu d'aide gouvernementale avant cette date, son bilan sera écrit à l'encre rouge.

«Quand on présentera des demandes et que les gens verront qu'on a 100 000 $ de déficit cette année, ils ne voudront pas nous aider, déplore-t-elle. Ils vont dire qu'on est de mauvais gestionnaires.»

D'autres mécontents

La Rue des femmes n'est pas le seul organisme à grogner. Les trois grands refuges montréalais - la Mission Old Brewery, la Maison du père et la Mission Bon Accueil - réclamaient une aide supplémentaire de 3,3 millions, l'an dernier. L'enveloppe de 24 millions annoncée le 23 décembre ne leur était pas destinée.

«On appuie fortement le geste du gouvernement, explique le directeur général de la Mission Old Brewery, Matthew Pearce. Ce sera très important pour ces organismes. Mais pendant que nous, on demandait trois millions par année, ils ont pu trouver 24 millions pour eux.»

Le refuge, qui compte 450 lits dans cinq pavillons, propose des programmes d'accompagnement et de logement social pour aider les sans-abri à quitter la rue. Mais si l'aide gouvernementale n'est pas bonifiée, dit M. Pearce, ces programmes seront supprimés.

«Maintenant, les ressources qu'on veut allouer aux efforts pour réduire l'itinérance à Montréal, ces programmes sont sous-financés parce qu'il faut qu'on alloue des ressources aux urgences», affirme-t-il.

«Qu'ils ne fassent pas de promesses s'ils ne veulent pas les tenir», dit pour sa part le père Sylvio Michaud, directeur associé de la Maison du père.

À la Ville de Montréal, on indique que les organismes pourront présenter des demandes pour obtenir une part de ces 24 millions.

Au bureau de la ministre responsable du dossier, Lise Thériault, on fait valoir que le financement gouvernemental des trois refuges a été multiplié par quatre depuis 2003. Il atteint 2,5 millions cette année. L'attaché de presse de la ministre, Harold Fortin, estime qu'un plan d'action sur l'itinérance devrait voir le jour d'ici à la fin de l'année.

La commission parlementaire sur l'itinérance doit d'abord produire un rapport sur la question. Ses travaux avaient été interrompus par les élections, l'automne dernier.