En élèves disciplinés qu'ils sont, les 19 arrondissements montréalais ont obéi à leur «professeur» de finances, le maire Gérald Tremblay, et ont tous rendu leur copie, cette semaine, pour détailler les coupes globales de 20 millions qu'ils devaient lui soumettre. Tout y passe: des directeurs mangeront moins au restaurant et n'iront presque plus à des congrès. Des employés garderont leurs vieux uniformes et feront moins d'heures supplémentaires. Les cabinets d'avocats privés auront aussi moins de contrats...

Dans Ville-Marie, qui doit élaguer 2 millions, le gel de l'embauche rapportera 200 000$. La suppression des heures supplémentaires, sauf en cas d'urgence, dégage 300 000$. On n'achètera pas de nouveaux uniformes et on limitera l'acquisition de fournitures informatiques. Gain: 250 000$. Chaque direction supprime «de petites choses» pour - vade retro Satanas - ne pas toucher aux services aux citoyens.

Dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, on doit supprimer 1,36 million. L'embauche sera gelée et on fera davantage appel aux avocats municipaux. Dans Outremont, on retranchera 326 091$. «On a demandé aux chefs de service de supprimer 1,9% de leur budget et ils l'ont fait, dit la mairesse, Marie Cinq-Mars. Je n'aurais pas voulu sabrer ici plutôt que là. On l'a fait de façon horizontale.»

L'arrondissement propose de modifier son fonctionnement et de sabrer ses dépenses administratives. «En premier, on réduit 50% des dépenses de fonction des directeurs», dit Mme Cinq-Mars. «Les restaurateurs de l'avenue Laurier ne seront pas contents», a suggéré La Presse. «Sans commentaires», a répondu la mairesse, dans un sourire.

Outremont propose aussi que les directeurs réduisent de 90% leur participation à des congrès. Les directions de chaque service réduiront leurs acquisitions de fournitures de bureau. Un poste de cadre vacant à cause d'un départ à la retraite ne sera pas comblé. Même les dépenses de communications seront réduites.

«Ça veut dire que notre petit journal du conseil, Au pied de la montagne, ne sera publié que trois fois au lieu de quatre, dit-elle. Les placements dans les médias seront aussi réduits.»

La chute des prix du pétrole aide toutefois les arrondissements. Ils avaient prévu des dépenses sur la base de 1,50$ le litre. Comme le prix est d'environ 0,90$, ils font des économies. Pour Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, elles représentent plus de 200 000$, pour Ville-Marie au moins 350 000$ et plus de 400 000$ pour Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles. Le fait qu'il n'y ait eu que deux tempêtes de neige depuis janvier ne nuit pas non plus... Des arrondissements ne veulent pas dire où ils sabrent. Ils attendent que la Ville corrige leur copie et accepte leurs décisions. Certains choix pourraient être irrecevables, comme d'offrir moins de services. Mais dans certains arrondissements, comme Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, on ne voit pas comment faire autrement. La mairesse Anie Samson a dit hier à La Presse que les heures supplémentaires des employés seront réduites au minimum.

«Nos équipes seront donc plus lentes sur le domaine public, dit-elle. S'il y a une activité dans un parc, le nettoyage se fera durant les heures normales, donc il faudra attendre au lendemain.»

Des arrondissements ont peu de marge de manoeuvre. Le Plateau-Mont-Royal, par exemple, n'a pas les revenus appréciables des permis de construction qu'ont les Verdun, Saint-Laurent, Ville-Marie ou Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Ces compressions dérangent également au sein des troupes du maire Tremblay. Les élus locaux se plaignent de faire toujours plus d'efforts pour une ville centre qui oublie parfois de renvoyer l'ascenseur.

En 2007, le grand argentier de la Ville, Frank Zampino, avait procédé à des ponctions dans les arrondissements. Si ces «contributions à l'équilibre budgétaire» de la Ville, comme on les appelait alors, ont permis à M. Zampino de dégager un surplus de près de 100 millions cette année-là, pas un sou n'est par la suite retourné dans ce cadre aux arrondissements, fait-on observer. Une «iniquité» qui agace les élus locaux qui doivent rendre des comptes aux citoyens dans la rue le samedi matin...

- Avec la collaboration de Sara Champagne