Le Syndicat des cols bleus de Montréal vient d'essuyer un revers. Un tribunal administratif a donné raison à un ex-membre du comité de direction qui a sombré dans la dépression après les manoeuvres d'intimidation de l'ancien président du syndicat, Jean Lapierre.

Dans un jugement rendu le 17 décembre, la Commission des lésions professionnelles (CLP) a confirmé une décision antérieure de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). Daniel Andrews, ancien dirigeant syndical, a bel et bien subi une «lésion psychologique» au travail, a tranché la juge Pauline Perron. Il était donc en droit de toucher des prestations de la CSST au terme de son passage au Syndicat des cols bleus.

«La preuve démontre que le travailleur évoluait dans un milieu de travail où le climat était tendu, malsain et anormal», conclut le jugement de 15 pages rendu à la suite de six jours d'audiences tenues en novembre dernier.

L'affaire dont la juge Perron a été saisie a commencé en 2004. À l'époque, Jean Lapierre, président des cols bleus de 1985 à 2003, vient d'être remplacé par l'actuel président, Michel Parent. Mais M. Lapierre est toujours actif dans le syndicat à titre de conseiller de M. Parent.

Daniel Andrews, qui milite dans le monde syndical depuis 1983, s'est toujours bien entendu avec Jean Lapierre. Mais à la fin de 2004, M. Andrews choisit de prendre la défense des employées de bureau au cours d'une période de négociation. «Cette prise de position sera très mal perçue par l'employeur», écrit la CLP.

Dès lors, la relation entre les deux hommes s'envenime. Daniel Andrews, qui s'oppose maintenant à la vieille garde du syndicat, souhaite l'arrivée d'un autre président à la tête des cols bleus.

En août 2005, il pressent Serge Lapointe, vice-président du syndicat, et lui suggère fortement de se présenter à l'élection de 2006. Cette initiative déplaît à messieurs Parent et Lapierre, qui accusent Daniel Andrews d'être en «cabale politique».

Conversation enregistrée et secrets dévoilés

Au mois de novembre, Daniel Andrews discute avec un confrère d'une affaire de chèques de paie versés à Jean Lapierre et à un autre retraité. M. Andrews parle alors en termes peu élogieux de MM. Lapierre et Parent. Or, la conversation est enregistrée.

Jean Lapierre fait écouter l'enregistrement à Daniel Andrews le 12 janvier suivant, en lui demandant de signer immédiatement sa mise à la retraite. Dans le cas contraire, M. Lapierre promet de dévoiler ses secrets intimes devant une assemblée de cols bleus. Daniel Andrews, qui doit prendre sa retraite quelques semaines plus tard, choisit de ne pas signer.

Le surlendemain, Jean Lapierre fait entendre l'enregistrement à un groupe de 150 à 200 travailleurs. Il dévoile également l'aventure que M. Andrews a eue avec la femme d'un col bleu quatre ans plus tôt.

Dès lors, Daniel Andrews sombre dans la dépression. Sa tristesse est alimentée d'autres facteurs: le décès de sa femme, en 2003, et sa crainte de retrouver ses mauvaises habitudes de joueur compulsif. Il s'adresse à la CSST, qui accepte de lui verser des prestations pendant quelques mois.

Double contestation du syndicat

Le Syndicat des cols bleus n'a pas apprécié cette décision de la CSST. Voilà pourquoi ses avocats l'ont contestée devant la Commission des lésions professionnelles, en janvier 2007.

Insatisfait du verdict de la CLP, le syndicat a envoyé une requête en révision judiciaire, mercredi dernier. «Nous contestons plusieurs éléments de la décision», a déclaré Michel Parent, président du Syndicat des cols bleus.

«La CSST avait fait des erreurs majeures, à commencer par nous considérer comme l'employeur. C'est la Ville qui rémunérait Daniel Andrews», a fait valoir M. Parent.

Daniel Andrews, âgé de 57 ans, souhaite «vivre sa retraite en paix». «Le syndicat va en appel, et c'est encore les membres qui vont payer les frais», a-t-il déploré. La Presse a demandé une entrevue avec Jean Lapierre, mais le syndicat a rejeté notre requête.

>>> Consultez le texte du jugement.