Le scandale de la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) prend de l'ampleur. Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, a révélé mardi que deux officiels de son parti avaient siégé à des comités ayant pour mandat de sélectionner des acheteurs pour des propriétés de la société paramunicipale.

Le représentant officiel d'Union Montréal, Marc Deschamps, et un conseiller juridique de la formation, Mario Paul-Hus, ont tous deux siégé aux comités de sélection visant à analyser les soumissions présentées dans les dossiers du Faubourg Contrecoeur ainsi que de la vente des édifices 1850 Lincoln et 1225 Sussex.Dans les deux cas, les prix de vente obtenus par la SHDM étaient fondés sur des évaluations effectuées plus d'un an avant les dates des transactions. Et dans les deux cas, les acheteurs ont effectué d'importants dons à Union Montréal.

«Je connais MM. Deschamps et Paul-Hus depuis de nombreuses années et je n'ai aucune raison de douter de leur probité, de leur intégrité et de leur sens des responsabilités», a déclaré le maire Tremblay en conférence de presse.

«Je n'ai aucune raison de remettre en cause leur conduite au sein des jurys de sélection organisés par la Société d'habitation et de développement de Montréal», a-t-il ajouté.

Le maire a néanmoins demandé à Union Montréal de «s'assurer qu'à l'avenir, en aucun cas des personnes qui ont des responsabilités ou des mandats avec notre formation politique ne puissent participer à des jurys de sélection formés par la Ville ou des instances qui y sont liées».

«Je dois vous avouer que je ne pensais pas un jour être obligé d'émettre ce genre de directive car pour moi, c'était évident», a admis M. Tremblay, qui n'a toutefois pas l'intention de demander à MM. Deschamps et Paul-Hus de démissionner de leurs fonctions partisanes.

Rapport de KPMG

Le maire a par ailleurs nommé mardi un nouveau directeur général à la SHDM. Il s'agit de Guy Hébert, actuel directeur général adjoint de la Ville, qui remplacera à ce poste Martial Fillion.

Un rapport du cabinet comptable KPMG rendu public mardi confirme que M. Fillion, un ancien chef de cabinet de M. Tremblay, a commis plusieurs irrégularités dans le dossier du Faubourg Contrecoeur, un projet de développement domiciliaire que la SHDM a confié à la firme Construction Frank Catania.

Selon le rapport, Martial Fillion a signé des chèques totalisant plus de 8,3 millions $ à l'ordre de Catania sans obtenir l'autorisation du conseil d'administration de la SHDM.

Or, en vertu d'une politique administrative de la SHDM, le DG devait aviser le CA pour toute dépense supérieure à 500 000 $.

Les trois versements en cause ont été faits à Catania entre le 1er mars 2007 et le 14 juillet 2008. L'un constituait une avance de 2,4 millions $ sur un prêt de 14,6 millions $, un autre une avance de 3 millions $ sur une contribution financière de 15,8 millions $ et le dernier un paiement de 2,9 millions $ sur la même contribution de 15,8 millions $.

De plus, toujours sans autorisation du CA, M. Fillion a posé des gestes qui ont eu pour effet de modifier des ententes antérieures. Il aurait aussi fait peu de cas, devant les membres du CA, d'une perte potentielle de 1,6 millions $ découlant de l'entente avec Catania.

M. Fillion a été suspendu avec solde, à la mi-octobre, dans la foulée de l'enquête de KPMG sur ses agissements dans l'affaire du projet Faubourg Contrecoeur.

LA SHDM a vendu le terrain du Faubourg Contrecoeur à Catania au prix de 19 millions $, moins des déductions totalisant 14,6 millions $ pour couvrir la décontamination, l'érection d'un talus acoustique et le contrôle vibratoire, soit un montant final de 4,4 millions $. La SHDM a aussi consenti à Catania un prêt de 14,6 millions $ et une aide financière de 15,8 millions $ pour la construction de logements abordables.

Depuis 2002, Catania avait déjà reçu des contrats totalisant plusieurs dizaines de millions de dollars de la part de la Ville de Montréal.

Le comité exécutif a décrété un moratoire sur la vente d'actifs de la SHDM et le vérificateur général de la Ville examine l'ensemble des aliénations d'immeubles effectuées par la société depuis le 1er janvier 2007.

M. Tremblay a annoncé mardi que des élus allaient désormais siéger au conseil d'administration de la SHDM et que des représentants de la Ville allaient surveiller le projet du Faubourg Contrecoeur.

Le maire a par ailleurs demandé à Québec de transformer la SHDM en un véritable organisme paramunicipal, ce qu'elle n'est plus depuis sa fusion avec la Société de développement de Montréal, en 2006.

M. Tremblay a assuré que la fusion, faite à l'encontre de l'avis de plusieurs hauts fonctionnaires, n'avait pas été une «erreur», mais il a reconnu qu'elle avait posé des problèmes de «perception».

«J'entends rétablir toute la crédibilité dont la SHDM a besoin pour exécuter l'important mandat qui lui est confié», a affirmé M. Tremblay.