Le terrain du Faubourg Contrecoeur, que la Ville de Montréal a vendu 1,6 million de dollars à la SHDM en septembre 2007, avait une valeur de 31 millions de dollars au rôle d'évaluation municipal, a constaté La Presse cette semaine. Il s'agit là d'un montant beaucoup plus élevé que le chiffre qui circulait jusqu'à maintenant.

L'information a été transmise en début de semaine au vérificateur général de la Ville, qui fait enquête sur plusieurs transactions immobilières impliquant la SHDM (Société d'habitation et de développement de Montréal), une société paramunicipale que l'administration Tremblay-Zampino a transformée en organisme privé à but non lucratif en contournant la Charte de la Ville de Montréal.

 

Le nouveau rôle d'évaluation est entré en vigueur le 1er janvier 2007, mais les nouvelles valeurs ont été connues dès le dépôt du rôle, le 13 septembre 2006. La Ville de Montréal savait alors que la valeur de son vaste terrain de 38 hectares dans le Faubourg Contrecoeur avait été établie à 31 millions de dollars par ses propres évaluateurs.

Quelques semaines plus tard, en octobre 2006, la SHDM a lancé un appel de qualification public «dans le but de retenir une entreprise apte à fournir les services en construction d'immeubles, en construction d'infrastructures, en décontamination de sol et en mise en marché de projets immobiliers» pour le terrain de Contrecoeur, dans l'est de Montréal.

Cet appel d'offres public n'annonçait pas que le terrain était à vendre. La SHDM n'avait aucun mandat en ce sens du conseil municipal ou du comité exécutif de la Ville. Pourtant, un mois plus tard, la SHDM a offert le terrain aux deux entreprises qui s'étaient qualifiées lors de l'appel d'offres public, soit Construction Frank Catania et la compagnie Marton, de l'homme d'affaires Tony Accurso.

Ancien rôle

La semaine dernière, le maire Gérald Tremblay et le vice-président du comité exécutif, Sammy Forcillo, ont remis aux journalistes un document dans lequel ils affirment que la valeur au rôle d'évaluation municipale de 2004-2006 était de 15,3 millions. Or, le terrain a été vendu à l'automne 2007, alors que sa valeur était de 31 millions. Pourquoi avoir présenté l'ancien rôle, qui n'était plus en vigueur lors de la vente?

«Il s'agit de la valeur au rôle qui existait au début du processus de mise en valeur du terrain», a répondu Richard Thériault, directeur des communications au bureau du maire, dans un courriel envoyé à La Presse, hier. Le comité exécutif avait reconfirmé le mandat de développement à la SHDM en avril 2006, a-t-il ajouté. Selon lui, il fallait donc utiliser les valeurs au rôle de 2004-2006 (qui reflétaient, en fait, les valeurs établies en 2003).

«Il est de pratique de baliser ainsi certaines données afin d'avoir des références communes, affirme M. Thériault. Toutefois, la valeur marchande peut différer de cette valeur en fonction d'une expertise professionnelle qui qualifie les atouts et les limitations d'un immeuble.»

Étude

En effet, la SHDM avait en main une étude commandée à la firme Raymond Joyal Cadieux Paquette et Associés, qui avait fixé la valeur marchande du terrain à 19 millions en juillet 2005. C'est exactement ce qu'a offert Construction Frank Catania, dans son offre d'achat, qui a été acceptée le 13 décembre 2006.

Au moment où cette offre a été acceptée, les coûts de décontamination du terrain avaient été évalués à 10,2 millions, mais seulement après une étude préliminaire du degré de contamination. Dans sa soumission, Catania a évalué ces coûts à 11 millions, et c'est finalement la somme que la SHDM a soustraité du prix de vente de 19 millions. Une étude de caractérisation des sols exhaustive, dite «en phase 2», a été complétée après l'acceptation de l'offre.

En septembre 2007, la Ville de Montréal a vendu son terrain à la SHDM pour 1,6 million de dollars. L'acte notarié indique que la valeur au rôle est de 23,5 millions, alors qu'elle était de 31 millions.

Un mois plus tard, la SHDM a vendu le terrain à Catania pour 19 millions, mais elle a soustrait 11 millions pour la décontamination, 3 millions pour «les coûts reliés au contrôle vibratoire» en raison des vibrations causées par le dynamitage dans une carrière voisine, et 650 000$ pour un talus à ériger entre le terrain et cette carrière. Au total, le terrain a donc été vendu à Catania pour 4,4 millions, à payer au plus tard le 30 juin 2010.

Depuis, Catania a réalisé des travaux de décontamination. L'entreprise a aussi entrepris la construction d'immeubles en bénéficiant du programme «Accès Condos», en vertu duquel la SHDM s'engage à lui acheter tous les condos qui n'auront pas été vendus un an et demi après avoir été mis en vente.