Le comité exécutif de la Ville de Montréal a décidé, hier matin, de suspendre toutes les transactions sur les actifs immobiliers de la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) tant que des enquêtes en cours sur cette société ne sont pas terminées. La SHDM gère environ 300 millions de dollars d'actifs appartenant à la Ville.

Cette décision a été prise alors que La Presse révélait l'ampleur des avantages consentis par la SHDM au promoteur Frank Catania, qui construit quelque 1800 logements sur un ancien terrain municipal situé dans l'est de Montréal. Ce projet immobilier s'appelle «Faubourg Contrecoeur».

 

Par ailleurs, le maire a dit que son administration a agi en toute légalité lorsqu'elle a fusionné la SHDM avec une autre société paramunicipale pour en faire un seul organisme privé, à but non lucratif, en 2007. Il réagissait à la manchette de La Presse, montrant que la direction des Affaires juridiques de la Ville s'était opposée à cette décision.

Mais le maire s'est montré surtout préoccupé par l'attitude de la SHDM dans le dossier du Faubourg Contrecoeur. «Ça, c'est la bonne question, a-t-il dit. C'est la raison pour laquelle des enquêtes sont en cours. C'est également la raison pour laquelle, au comité exécutif, ce matin, nous avons pris la décision de demander un moratoire sur toutes les transactions (de la SHDM), sur les hypothèques et les aliénations d'actifs. Est-ce que oui ou non des irrégularités ont été commises? Je veux le savoir, et vite.»

De son côté, la ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau, a demandé à son sous-ministre, hier matin, de lui faire un rapport sur le comportement de la SHDM, a indiqué l'attachée de presse de la ministre, Louise Quintin. La ministre a aussi demandé à ses services juridiques de vérifier si la Ville avait violé sa Charte en fusionnant la SHDM et une autre société paramunicipale pour en faire un organisme privé à but non lucratif, en vertu de la Loi sur les compagnies.

«On va devoir rassembler les faits, a dit Mme Quintin. Une chose est sûre: la Ville ne nous a jamais demandé ce qu'on pensait de la transformation de la SHDM en organisme à but non lucratif. Cette question doit être éclaircie.»

Benoit Labonté, chef du principal parti d'opposition à l'hôtel de ville, a dit que le comité exécutif et le conseil municipal n'avaient jamais été informés de l'opinion défavorable du service des affaires juridiques de la Ville sur la fusion des sociétés paramunicipales et leur transformation en organisme privé.

M. Labonté a démissionné du comité exécutif l'année dernière et s'est retrouvé à la tête de l'opposition. En 2006, il était membre du comité exécutif, lorsque celui-ci a approuvé le principe de la fusion des sociétés paramunicipales. Robert Cassius de Linval, directeur des affaires corporatives, avait été mandaté pour préparer cette fusion. Il était au courant de l'opinion défavorable de l'avocate en chef de la Ville quant à la façon de faire. Mais il n'en a pas parlé au comité exécutif, a soutenu M. Labonté.

«En aucun moment on a été informés d'un avis négatif de la part du contentieux sur ce dossier-là, a dit M. Labonté, hier. Je suis formel là-dessus. En aucun moment, la forme juridique finale de la nouvelle SHDM n'a été évoquée, ni au comité exécutif, ni au conseil municipal.»

M. Cassius de Linval aurait-il dû faire connaître l'opinion défavorable de l'avocate en chef, Me Lyne Charest? «Certainement! a répondu M. Labonté, qui réclame une enquête publique. Ce n'est pas banal. Il fallait savoir si tout ça était conforme à la Charte de la Ville de Montréal. Quand on reçoit un avis négatif du contentieux, on ne touche pas à ça!»

M. Cassius de Linval soutient qu'il a informé verbalement le comité exécutif de l'opinion défavorable du contentieux. Pourtant, même le maire semblait ignorer cette opinion, hier. «Nous, on s'est fiés aux recommandations qui nous ont été faites par Robert Cassius de Linval au conseil municipal, et on leur a donné suite, a-t-il dit. C'est lui qui avait la responsabilité du dossier.»