La construction du 2.22 Sainte-Catherine, pièce phare du futur Quartier des spectacles au centre-ville de Montréal, ne sera pas financée par le gouvernement du Québec. Et le gouvernement fédéral n'a même pas daigné y jeter un coup d'oeil, a appris La Presse. Au rythme où vont les choses, il est clair que l'édifice n'ouvrira pas ses portes l'été prochain, comme prévu, à temps pour l'inauguration de la place des Festivals.

Après un long processus d'expropriation et de démolition au coût de 2,5 millions de dollars, entièrement payé par l'administration Tremblay, le 2.22 Sainte-Catherine, qui abritait autrefois un peep show, est aujourd'hui un terrain désert. Des clôtures entourent l'endroit. Le promoteur, la Société de développement Angus (SDA), souhaitait commencer la construction cet automne, mais, faute de financement, la première pelletée de terre est reportée au mois de juin 2009.

Le ministre du Tourisme, Raymond Bachand, qui était à Montréal cette semaine pour faire la promotion de la rénovation de l'aréna Maurice-Richard, a indiqué, en entrevue avec La Presse, que la Ville de Montréal a déjà bénéficié d'une enveloppe de 140 millions de dollars pour les projets stratégiques de la part de son gouvernement, et «qu'elle (l'administration Tremblay) n'a qu'à piger dans cette enveloppe». Est-ce que la SDA pourrait quand même obtenir une aide spécifique, a-t-on demandé? «Non, il n'y en aura probablement pas», a tranché le ministre Bachand.

«Selon moi, la question n'est donc plus de savoir si le projet sera financé, mais plutôt de savoir par qui ou comment il sera financé, a indiqué Christian Yaccarini, grand dirigeant de la SDA. Sans subvention, c'est en tout cas certain qu'on ne va pas aller de l'avant. On piétine», a-t-il admis, dépité par le refus du fédéral et du provincial.

Le maire Gérald Tremblay, accusé de manquer de leadership par Gilbert Rozon, du Festival Juste pour rire, en juillet 2007, puis par des gens d'affaires, a depuis repris le contrôle des grands projets au centre-ville afin de freiner l'immobilisme. Au lendemain de la démolition du 2.22 Sainte-Catherine, en février dernier, il avait d'ailleurs posé fièrement devant les décombres en s'engageant à faire sortir de terre «rapidement» le projet de la SDA. La construction de l'édifice avec vitrine culturelle, d'abord évaluée à 20 millions, a été ramenée à 15 millions, avec six étages au lieu de huit, afin de ne pas déroger aux règles d'urbanisme.

Le maire Gérald Tremblay dit ne pas avoir jeté l'éponge dans le cas du gouvernement fédéral et ne semblait pas trop affecté hier par la décision de Québec.

«On a un projet et un promoteur. L'important c'est que le projet se réalise, soutient-il. On va reprendre les discussions avec Ottawa après les élections.»

En matinée, son directeur adjoint, responsable du service de la mise en valeur et du patrimoine à la Ville, Pierre Bernardin, avait indiqué, que faute d'argent de Québec et d'Ottawa, l'administration allait enclencher des demandes auprès du Fonds Chantiers Canada, programme d'infrastructures vedette du gouvernement fédéral.

«Il va falloir une réponse avant le 31 décembre, a dit M. Bernardin. C'est notre heure de tombée. Pour l'instant, nous n'envisageons pas de verser d'autres sommes. La SDA a tout notre appui.»

L'ancien responsable du centre-ville au comité exécutif de la Ville, Benoit Labonté, aussi maire de Ville-Marie, et qui a claqué la porte du parti de Gérald Tremblay après avoir été rétrogradé, il y a un an, pour ensuite devenir chef de l'opposition, estime, à la lumière des propos de M. Bachand, que «le partenariat entre Ottawa, Québec et la Ville s'effrite.»

M. Labonté, qui a mis en branle le projet dans son arrondissement en élaborant le Programme particulier d'urbanisme (PPU) du Quartier, fait remarquer que la construction du 2.22 Sainte-Catherine, ainsi que la transformation du Blumenthal en Maison du festival de jazz, s'inscrivent dans la phase I des travaux.

«À mon sens, ce sera un échec cuisant si les deux édifices ne sont pas inaugurés en même temps que la place des Festivals, pour le 30e anniversaire du Festival international de Jazz, tranche-t-il. L'administration Tremblay aura des comptes à rendre.»

Pendant ce temps, la Société de développement Angus ne parvient pas à signer des ententes avec des futurs locataires ou copropriétaires. La direction de la radio CIBL a indiqué qu'elle n'avait pas encore pris de décision, pas plus que le propriétaire du bistro Olivieri, qui devait rencontrer Yaccarini, de la SDA, cette semaine. Les institutions culturelles partenaires pourraient obtenir du financement du gouvernement Québec, à même une enveloppe du ministère de la Culture.