Le directeur du Service de police de la Ville de Montréal, Yvan Delorme, a été piqué au vif par les propos de son prédécesseur, Jacques Duchesneau, publiés par La Presse vendredi. Il nie que les policiers soient «moins visibles» qu'il y a 11 ans et déconnectés de leur communauté. Les patrouilleurs avouent néanmoins être plus craintifs.

«Depuis 2003, nous sommes non seulement plus visibles, mais aussi plus près des citoyens», s'est défendu Yvan Delorme dans une lettre envoyée aux médias tard vendredi. M. Delorme a refusé de s'adresser de vive voix aux journalistes.

À deux reprises, depuis le départ à la retraite de M. Duchesneau, «nous avons notamment restructuré des postes, redéployé le personnel, consolidé les unités dont le mandat est de soutenir les postes, a écrit M. Delorme. Ce que nous voulions, c'était notamment de renforcer la capacité d'intervenir des postes de quartier et d'être plus visibles là où les citoyens demandent à nous voir: dans les rues, dans les parcs, le métro, les écoles».

M. Delorme ajoute qu'il a fait de l'augmentation continue du nombre de patrouilleurs à pied une priorité. Selon les données du SPVM, près d'un Montréalais sur quatre a croisé un policier à pied au cours des mois de juin ou de juillet derniers, une proportion qui est en hausse de près de 33% par rapport à la même période en 2007. Les postes de quartier sont aussi mieux garnis. Depuis 1999, le nombre policiers permanents et temporaires est passé de 4074 à 4599.

La Fraternité des policiers

Les propos de M. Duchesneau se sont aussi attiré les critiques de la Fraternité des policiers. Son président, Yves Francoeur, affirme comme M. Delorme que les agents sont plus près des Montréalais qu'il y a 11 ans. Il note que les postes de quartier ne sont plus ouverts la nuit. Tous les policiers en service sont donc occupés à patrouiller dans les rues de la ville. Aucun ne gratte du papier derrière un bureau. «Il y a de moins en moins de travail administratif», se réjouit M. Francoeur.

Vendredi, M. Duchesneau a critiqué l'attitude fermée de plusieurs agents: «Les policiers se promènent dans un secteur, les vitres montées. Ils entrent peu en contact avec les gens (...) Les policiers sont de moins en moins visibles.»

Il s'agit d'un problème de manque d'effectif, non pas de comportement, a répliqué hier M. Francoeur. Le soir de l'émeute à Montréal-Nord, «il n'y avait qu'un sergent et six policiers dans trois véhicules. Ils n'ont pas le temps d'aller dans les stations de métro, de visiter les commerces. Ils courent les appels. Et quand il arrive quelque chose, il n'y a pas de renfort prêt.»

Mais M. Francoeur est d'accord avec l'ancien chef Duchesneau quand il affirme que les policiers sont plus craintifs qu'avant à l'idée de patrouiller dans les rues de Montréal. «Je ne dirais pas qu'ils ont peur (mot employé par M. Duchesneau, NDLR), mais il ne faut pas se le cacher, les interventions sont de plus en plus difficiles», note-t-il. Récemment, des policiers ont été menacés et blessés légèrement au cours de deux interventions dans le centre-ville. «Avant, quand on patrouillait dans une zone chaude, on était dans un climat de confiance parce qu'on savait qu'on pouvait avoir des renforts. Maintenant, les policiers sont plus craintifs parce qu'on manque d'effectifs.»

Les deux hommes s'entendent aussi pour dire que les deux policiers impliqués dans la mort de Fredy Villanueva n'ont pas eu droit à un traitement équitable. «Ils ont été crucifiés sans même savoir ce qui s'est passé», a dit M. Duchesneau vendredi.