Le Sénégal s'est lancé en 2005 dans l'édification de la Grande Muraille Verte (GMV), ceinture d'arbres devant relier Dakar à Djibouti, pour freiner l'avancée du désert. Mais, dans le nord du pays, on passe à côté sans la voir, tant ses plants sont encore petits.

A la recherche des premiers kilomètres de la Grande Muraille, mieux vaut suivre les rangers d'un agent du service des Eaux et Forêts, le lieutenant Almamy Diarra.

Dans la savane sahélienne du Ferlo, vert pâle à la fin de la saison des pluies, on croise moins de véhicules que de zébus et de moutons, sous bonne garde de bergers peuls.

Destination Widou Thiengoly, village au coeur de la «Réserve sylvo-pastorale des six forages», à plus de 300 km de la capitale.

«Mais c'est ça, la GMV dont le président (sénégalais Abdoulaye) Wade parle dans le monde entier?». Le chauffeur du 4x4, Dakarois, ne peut s'empêcher de dire sa déception en découvrant les premières parcelles reboisées.

A Widou Thiengoly, pas de «muraille» à proprement parler, mais des rangées de sillons où l'on a mis en terre des acacia senegalensis (gommiers) ou des balanites aegyptiaca (dattiers du désert). Les plus grands, plantés en 2005, arrivent tout juste au dessus du genou du visiteur.

«Dans une zone où il y a trois mois de pluies, il ne faut pas s'attendre à des résultats spectaculaires. Ces acacia senegalensis n'ont pas besoin d'être arrosés: ils développent d'abord leur système racinaire et grandissent très lentement», explique le lieutenant de 42 ans.

Ce n'est donc pas encore bien grand... Ce n'est pas non plus une muraille, plutôt une barrière végétale discontinue qui permet le passage des troupeaux... Mais c'est bien vert.

Et «cet ambitieux projet de reboisement est une première depuis que le Sénégal est Sénégal», affirme le capitaine Souleymane Ndoye, 53 ans, chef du secteur départemental des Eaux et Forêts. «Cette année, l'objectif était de 5.000 hectares reboisés. Avec l'aide de Dieu, on en a fait 5.230», assure-t-il.

L'idée de la Grande Muraille Verte - couloir de végétation qui serait long de 7.000 km et traverserait l'Afrique d'ouest en est - a été lancée par l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo puis reprise en 2005 au sommet des dirigeants de la Communauté des Etats sahélo-sahariens.

Depuis, le président sénégalais ne manque pas une occasion d'en parler, appelant à s'attaquer ainsi «au Sahara que le célèbre astronaute Neil Amstrong avait choisi d'appeler un cancer qui s'étend sur l'Afrique».

«Ca paraît pharaonique mais on est en train de le faire», lançait-il en janvier à Davos. Et, à Paris le 10 septembre, il disait avoir évoqué avec Nicolas Sarkozy le «financement» de la GMV.

Car «pour l'instant, le Sénégal n'a pas les moyens» de créer sa part de GMV, «sur 543 kilomètres et 760.000 hectares», admet le lieutenant Diarra.

«La GMV est encore toute petite», admet-il. «Il faudrait planter chaque année 25.000 ha durant au moins 25 ans... Que toutes les communautés rurales s'y mettent en même temps, tout au long du tracé...»

Durant l'été, Widou Thiengoly a certes vu affluer une vingtaine de députés et une foule de militants associatifs et de jeunes en «vacances citoyennes»: tous venus planter...

Le chantier a aussi eu le mérite d'employer des jeunes du village à la pépinière, constate une femme chef de village, Kadio Kâ, 54 ans, cheveux tressés et sourire égayé de deux dents en or.

«La plupart des gens ici élèvent des bêtes et récoltent la gomme arabique, ajoute-t-elle. Quand les gommiers de la GMV seront grands, tout le village en profitera...»

Quant aux sceptiques, le capitaine Ndoye dit qu'ils «ont peut-être raison, peut-être tort». «Mais si on croit à ce qu'on fait...»