L’Arctique pourrait être sans banquise l’été 10 ans plus tôt que prévu, selon une nouvelle étude canadienne. Et cette étape marquante pourrait être atteinte même si l’humanité réussit à devenir carboneutre dès 2050.

Sous-estimation

Quand il planchait sur le dernier rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), Nathan Gillett a discuté avec sa coauteure Seung-Ki Min, de l’Université de science et technologie de Pohang, en Corée du Sud, d’un problème manifeste avec les modèles climatiques. « La quantité minimale de glace arctique était sans cesse plus basse que les prévisions, dit le climatologue d’Environnement Canada. Nous avons conclu que ça signifiait que la date où l’Arctique serait sans glace serait plus hâtive que prévu. » Leur étude, publiée mardi dans la revue Nature Communications, prédit que cela pourrait survenir dès les années 2030, et probablement avant 2050. Cette échéance est 10 ans plus hâtive que les prédictions antérieures.

L’archipel canadien

La définition d’un océan Arctique sans banquise n’est pas une mer complètement bleue. « On prend le point où il y aura moins de 1 million de kilomètres carrés de glace, dit M. Gillett en entrevue depuis la Colombie-Britannique. Normalement, cette glace devrait être surtout dans l’archipel arctique canadien. » Les îles coincent la glace et la terre reflète davantage la chaleur que le bleu sombre de l’océan libre. La surface minimale de la banquise survient en septembre.

Niveau de la mer

La diminution de la banquise arctique n’accélérera pas la montée du niveau de la mer, parce qu’elle pèse déjà sur l’eau des océans. Elle pourrait par contre modifier les échanges de chaleur avec les autres océans, les continents et l’atmosphère. « C’est une des questions de recherche pressantes », dit M. Gillett. En 2020, une étude allemande avait calculé que les hivers qui suivent les automnes avec moins de banquise arctique sont plus froids dans le Nord-Est américain, notamment au Québec, parce que la circulation atmosphérique est affectée. L’air très froid du pôle a moins tendance à descendre plus au sud, vers les deux Carolines. La disparition de la banquise affectera aussi les ours polaires.

Quatre scénarios

L’étude de M. Nathan calculait la superficie minimale de la banquise arctique selon quatre scénarios du GIEC, allant d’un avenir optimiste où la Terre ne se réchauffe que de 1,8 ℃ d’ici 2100, à une hypothèse funeste où l’augmentation de la température en 2100 dépasse 4 ℃. Trois facteurs de correction ont été utilisés pour les modèles. Dans le scénario le plus optimiste, il y a 5 % de risques que l’Arctique soit « sans glace » avant 2040, et deux des trois facteurs de correction donnent en moyenne un Arctique sans glace vers 2050. Sans facteur de correction, les modèles estiment que l’Arctique sans glace ne surviendra pas avant 2100, peut-être même jamais. Dans le scénario le plus optimiste, les trois facteurs de correction donnent un Arctique sans glace dès 2040, avec 5 % de risques d’atteindre ce seuil dès 2030.

Amplification arctique

Quel est le problème des modèles ? « L’Arctique se réchauffe plus vite que le reste de la planète », explique Dirk Notz, de l’Université de Hambourg, qui est coauteur avec M. Gillett. « On appelle cela l’amplification arctique. Mais les modèles sous-estiment l’amplification arctique. Ils font fondre la banquise trop lentement. »

Ce qu’il faut savoir

  • La surface minimale de la banquise sur l’océan Arctique diminue sans cesse à cause du réchauffement de la planète.
  • Des chercheurs canadiens, coréens et allemands montrent que les modèles climatiques sous-estiment la vitesse de la diminution de la surface minimale de la banquise arctique, en septembre.
  • L’Arctique pourrait être « sans glace », avec moins de 1 million de kilomètres carrés de banquise, dès la décennie 2030, selon leurs calculs.
En savoir plus
  • 9,2 millions
    Surface minimale de la banquise arctique en 1970, le record supérieur depuis 1950
    Source : NASA
    3,4 millions
    Surface minimale de la banquise arctique en 2012, le record inférieur depuis 1950
    Source : NASA
  • 4,7 millions
    Surface minimale de la banquise arctique en 2022
    Source : NASA