Nuages polluants, particules fines posant des risques pour la santé, débris dans les lacs et rivières, bruits assourdissants : la ville de Mont-Tremblant rompt avec la tradition en bannissant les feux d’artifice.

En conséquence, il n’y aura pas de bombes pyrotechniques dans le ciel de cette région touristique durant la fête nationale du 24 juin ni autour du 1er juillet pour les célébrations du Canada. Une interdiction qui fait sourciller d’importants acteurs de l’industrie, qui soutiennent que des mesures strictes ont été mises en place pour réduire la toxicité des feux d’artifice.

Dans la petite municipalité des Laurentides, la mairesse suppléante Dominique Laverdure explique que la décision n’a pas été prise à la légère. C’est le « fruit d’une longue réflexion ». Elle espère que l’interdiction va inspirer d’autres villes. En lieu et place, ajoute-t-elle, un spectacle multimédia combinant de la musique et des effets lumineux sera offert aux festoyeurs.

Notre direction de l’environnement s’est penchée sur l’impact des fusées. On a réalisé qu’il n’y a rien de bon là-dedans, à part le spectacle. Il y a les gaz dans l’air, les débris dans l’eau, on a constaté que ça perturbe la faune, qu’il y a même ingestion de débris par certaines espèces. On n’a reçu aucune opposition citoyenne au nouveau règlement.

Dominique Laverdure, mairesse suppléante de la ville de Mont-Tremblant

Mesures de la qualité de l’air

Marc J. Olivier, chimiste spécialisé en environnement et en gestion des matières dangereuses, comme les explosifs, à l’Université de Sherbrooke, assistait à un spectacle de l’International des feux Loto-Québec à La Ronde quand il s’est intéressé pour la première fois au phénomène. C’était dans les années 2000. Il a commencé à se poser des questions sur l’impact des bombes pyrotechniques sur les milliers de gens rassemblés sur le pont Jacques-Cartier.

« Moi et ma famille y assistions quand on a vu la fumée se diriger tranquillement vers la foule. J’ai pensé que ça ne devait pas être agréable d’être au milieu de ce nuage. Ma préoccupation première a été un souci de sécurité et de santé », se remémore-t-il.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le pont Jacques Cartier est envahi par la fumée à la suite d’un spectacle de l’International des feux Loto-Québec à La Ronde.

Grâce au réseau de surveillance de la qualité de l’air de Montréal, le chimiste a réussi à extraire des données correspondant aux grands feux d’artifice. Ses résultats ont été publiés. Dans l’axe des vents dominants, il a constaté une contamination de l’air « dépassant jusqu’à 30 fois les normes établies » suivant le jour des feux.

Plus les particules sont petites et plus elles vont entrer dans les voies respiratoires. C’est malheureux, mais aucun politicien ne va sévir parce que les feux d’artifice sont considérés comme une activité exceptionnelle, ponctuelle, réjouissant les gens. N’empêche, il y aurait lieu d’établir un périmètre légal de sécurité pour les voies respiratoires.

Marc J. Olivier, chimiste spécialisé en environnement et en gestion des matières dangereuses à l’Université de Sherbrooke

Exit le plomb

Couronnée d’or à quatre reprises à l’International des feux Loto-Québec et plusieurs fois championne mondiale pour ses spectacles, la société Royal pyrotechnie est un grand fournisseur d’étincelles au Québec. Son président et directeur artistique, Yanick Roy, accompagné de son associé artificier, Éric Fréchette, estiment qu’il y a une ligne à tracer entre les grands feux et les feux à usage domestique.

Le règlement de la Ville de Mont-Tremblant est pour le moins « draconien », ont-ils soutenu lors d’un entretien avec La Presse.

« Les grands feux sont encadrés par des lois fédérales. On ne peut pas importer des feux des États-Unis, ils proviennent de l’Europe ou de l’Asie. Aujourd’hui, ils ne contiennent plus de plomb servant à prolonger les pluies d’étoiles jusqu’au sol. Et chez nous, depuis 2017, on a une division de recherche et développement. On arrive même à éliminer les sels de perchlorate [dérivé du chlore apportant l’oxygène nécessaire à la combustion des fusées], en les remplaçant par des produits azotés. »

À Montréal, aucune interdiction de feux d’artifice n’est à l’étude par la ville-centre. Toutefois, il est nécessaire d’obtenir l’autorisation du Service de sécurité incendie Montréal (SIM) pour tous types de feux. À certains endroits, notamment à Montréal-Nord, le service de police a déjà dû sévir ponctuellement auprès d’individus.

Ailleurs au Québec, la municipalité de Prévost, dans les Laurentides, n’a pas adopté une interdiction claire, mais en février 2023, les élus ont décidé d’annuler des feux d’artifice pour éviter un smog hivernal.

À Dorval, municipalité de l’ouest de l’île de Montréal, le maire Marc Doret explique qu’il y a déjà eu quelques plaintes de résidants. Il n’est pas exclu que la question soit soumise à la division de l’environnement de la Ville.

Spectacle multimédias

Pendant ce temps, la société de spectacles multimédias Laser-Quantum se taille une place auprès des villes, selon Francis Vaillancourt-Martin. Il est concepteur du spectacle soulignant le 350e anniversaire de la municipalité de Terrebonne.

« Ça fait quelques années que nous sommes en contact avec des villes. Nous n’utilisons que de l’électricité, et on arrive avec notre propre mobile. Même sans source de courant, on pourrait arriver à être autonome en fonctionnant avec des batteries. Il y a également un engouement pour les spectacles à partir d’un drone. »

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